« Deux écueils sont à éviter dans la prise en charge du diabète chez les sujets âgés, explique la Dr Marie-Laure Bureau, gériatre au CHU de Nantes. L'attitude thérapeutique ne doit ni être trop intensive chez des sujets âgés fragiles, ni trop peu exigeante chez des sujets âgés en bonne santé. »
Un message d'autant plus vrai en Ehpad, où la perte d'autonomie est variable d'un résident à l'autre. « La prise en charge doit être cohérente et personnalisée », souligne la gériatre, rappelant que les personnes à l'entrée sont de plus en plus âgées et dépendantes.
La prévalence du diabète est estimée à 8-20 % chez les sujets de plus de 75 ans en institution. « Entre 40 à 50 % des patients sont traités par insuline, indique la Dr Camille Sollier, endocrinologue au CHU de Nantes. La même proportion est traitée par antidiabétiques oraux. Environ 10 à 15 % ne nécessitent pas de médication antidiabétique. »
Évaluation initiale
L'objectif glycémique est à adapter au profil du patient. « L'évaluation gériatrique à l'entrée doit être soignée, souligne la gériatre. Il s'agit d'estimer l'autonomie, mais aussi les comorbidités, l'état cognitif et l'espérance de vie. » Limiter le risque d'hypoglycémie, éviter les régimes trop restrictifs et promouvoir l'activité physique adaptée sont des éléments clés chez les sujets âgés.
Selon la position de 2021 de la Société francophone du diabète (SFD), la cible d'hémoglobine glyquée (HbA1c) est ≤ 7 % chez les personnes de plus de 75 ans « en bonne santé ». L'objectif est moins ambitieux chez les personnes « fragiles », voire « dépendantes et/ou à la santé très altérée ». Pour la Dr Sollier, le contrôle des hyperglycémies doit permettre de limiter la polyurie et la léthargie, la sensibilité aux infections et d'éviter l'évolution vers un coma acidocétosique.
Ainsi, pour les personnes à l'état de santé intermédiaire, l'objectif est d'avoir une HbA1c ≤ 8 % mais en restant au-dessus de 7 % en cas de traitement par sulfamides hypoglycémiants (SU), glinides ou insuline. Pour les plus fragiles (polypathologie chronique évoluée génératrice de handicaps, isolement social), il est recommandé de viser une HbA1c < 9 % et/ou des glycémies préprandiales entre 1 et 2 g/l en restant au-dessus de 8 % (en cas de traitement par SU, glinides ou insuline, avec des glycémies préprandiales > 1,40 g/l).
Pour le traitement du sujet âgé, la metformine est à privilégier en première intention, sous réserve de contre-indications (insuffisance rénale chronique, insuffisance hépatocellulaire) et d'une vigilance accrue sur la tolérance. « Si l'objectif est non atteint, on préfère ajouter un inhibiteur de DDP4 (iDPP4) en raison de la bonne tolérance, indique l'endocrinologue. Si l'association metformine + iDDP4 ne suffit pas, il faut privilégier l'instauration d'une insuline basale. » L'insulinothérapie est également nécessaire si la prise d'antidiabétiques oraux est difficile, en cas de déséquilibre ou de situation aiguë.
Éviter la perte de poids
« Mieux vaut éviter les SU et les glinides chez les sujets âgés fragiles et/ou dépendants et/ou à la santé très altérée en raison du risque d'hypoglycémie » , poursuit la Dr Bureau. Quant aux analogues des récepteurs de GLP-1 (AR GLP-1) et aux inhibiteurs de SGLT2, qui entraînent généralement une perte de poids et possiblement des troubles digestifs pour les AR GLP-1 pouvant aggraver un état de dénutrition, « après 75 ans, leur utilisation doit être réservée à une minorité de patients, idéalement après avis d'un diabétologue, car le rapport bénéfices/risques est insuffisamment évalué dans cette population », précise la Dr Sollier, ajoutant que « la protection cardiorénale peut constituer un argument en faveur ».
Pour le choix de l'insuline, l'endocrinologue indique qu'il vaut mieux « privilégier une insuline à action longue par rapport à la NPH et l'insuline mix, et plutôt les nouvelles générations », comme la glargine 100 UI/ml (Lantus, Abasaglar), la glargine 300 UI/ml (Toujeo) ou le degludec (Tresiba). Le capteur glycémique n'est actuellement remboursé que chez les patients sous multi-injections d'insuline.
Selon le projet de soins, un allègement du protocole peut être proposé. « Le rattrapage par insuline peut n'être prescrit que si l'hémoglucotest (HGT) est > 2 g/l, indique la Dr Bureau. La surveillance par HGT peut n'être réalisée que matin et soir. Un relais par insuline basale se fera plutôt le matin. » Une formation des infirmières et des aides-soignants à la prise en charge des patients diabétiques est très positive « avec une réduction de 73 à 90 % du nombre d'hypoglycémies », rapporte la Dr Sollier.
Le suivi repose sur la surveillance de l'HbA1c tous les trois mois mais aussi du poids et de l'état nutritionnel ainsi que de la fonction rénale (dosage annuel de la créatininémie, de la microalbuminurie et de la protéinurie). « Le suivi des complications est à adapter à l'état du résident », indique la gériatre.
D'après deux communications au cours du webinaire « Perspectives Diabétologie et Gérontologie » du 9 mars 2023, organisé par la Société nantaise de formation en gériatrie (SNFG)
Article suivant
Insuffisance cardiaque : savoir manier les iSGLT2 chez les seniors
Diabète en Ehpad : une prise en charge très personnalisée
Insuffisance cardiaque : savoir manier les iSGLT2 chez les seniors
Parkinson : une accidentologie sur la route majorée liée à la maladie et aux traitements
Alzheimer et conduite automobile : évaluer les facultés restantes
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?