HTA du sujet âgé : une affection très courante insuffisamment traitée

Publié le 06/05/2022
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L’hypertension artérielle (HTA) est la pathologie la plus fréquente chez les personnes âgées. Sa prise en charge est essentielle, car l’HTA favorise événements cardiovasculaires et troubles cognitifs.
Une auto-mesure proposée pour éliminer un effet « blouse blanche »

Une auto-mesure proposée pour éliminer un effet « blouse blanche »
Crédit photo : Phanie

« Les données de l’Assurance-maladie révèlent qu’au moins 70 % des sujets de plus de 80 ans sont hypertendus, 60 % à 70 ans, 50 % à 60 ans », rappelle le Pr Olivier Hanon, chef de service de gérontologie à l’hôpital Broca (AP-HP) et président du Comité français de lutte contre l’hypertension artérielle (CFLHTA).

L'hypertension artérielle (HTA), qui est liée à l’augmentation de la rigidité artérielle, concerne essentiellement la pression artérielle (PA) systolique. Elle augmente la mortalité et le risque cardiovasculaire (AVC, infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque) ainsi que celui de troubles cognitifs par obstruction des artères perforantes cérébrales (lacunes) et/ou hypoperfusion chronique de la substance blanche (leucoaraiose). De plus, elle favorise la formation des plaques amyloïdes et double le risque de maladie d’Alzheimer.

Le traitement antihypertenseur est indispensable. Des études comme Hyvet (1) ont ainsi montré qu’il diminue après 80 ans de 21 % le risque de décès, de 30 % celui d’AVC et de 64 % le risque d’insuffisance cardiaque. Cet effet s’accompagne à partir de 65 ans d’une réduction de 50 % de démences vasculaires ou associées à la maladie d’Alzheimer par rapport au placebo dans l’étude Syst-Eur (2). Malheureusement, les données de Santé publique France révèlent que seulement 42 % des patients hypertendus de plus de 65 ans sont bien contrôlés (3).

Limiter le risque d’hypotension orthostatique

« Après 65 ans, il faut rechercher systématiquement, lors de la prise de la PA au cabinet, une hypotension orthostatique, qui concerne 20 % des sujets âgés, préconise le Pr Hanon. On vérifiera, après une et trois minutes, que la PA systolique ne s’abaisse pas de plus de 20 mmHg et/ou la PA diastolique de10 mmHg, lorsque le sujet se lève. » Ce risque peut être limité grâce aux recommandations (ne pas proposer de régime sans sel contrairement aux plus jeunes, bien s’hydrater en buvant 1,5 l/j), en portant des bas de contention et en modifiant si besoin des traitements pouvant induire une hypotension orthostatique (alphabloquants, anticholinergiques, antidépresseurs, neuroleptiques). « Compte tenu de son impact sur la mortalité, le traitement de l’HTA reste prioritaire, mais il faut réduire le risque d’hypotension orthostatique », insiste le Pr Hanon.

Auto- et hétéromesures conseillées

Une mesure au domicile sera proposée ou pratiquée par l’entourage des sujets âgés (hétéromesure) pour éliminer un effet « blouse blanche ». Pour s’aider, les patients pourront entrer les chiffres d’automesure ou une photographie de la mesure de PA sur l’application « Suivi HTA », proposée par le CFLHTA et la Fondation de recherche sur l’HTA (FRHTA). Ils pourront aussi être accompagnés par téléconsultation.

Les recommandations sont d’obtenir une PA inférieure à 140/90 mmHg au cabinet chez les plus de 65 ans. Après 80 ans, l’objectif est de moins de 150 mmHg pour la PA systolique chez les sujets fragiles, mais le seuil de 140 mmHg peut être maintenu chez les sujets « robustes ». Chez les sujets exposés au risque d’hypotension orthostatique, le traitement antihypertenseur pourra être donné en deux prises, matin et soir.

Le traitement repose après 65 ans sur une bithérapie d’emblée si la PA est > 160/100 mmHg (pour plus d’efficacité et d’observance) comme chez les plus jeunes, puis par une trithérapie en cas de résultat insuffisant. Après 80 ans, on commencera par une monothérapie, quitte à passer à deux médicaments après un mois si la PA reste trop élevée. Cette bithérapie pourra être modifiée par une autre bithérapie en cas de contrôle tensionnel insuffisant. Certains seniors auront besoin d’une trithérapie (on ne va pas au-delà après 80 ans).

Trois classes à privilégier

Chez les patients en prévention primaire, les antagonistes calciques (souvent bien tolérés) et les diurétiques thiazidiques sont à utiliser en priorité, car ils sont les plus efficaces sur la PA systolique. Chez les patients en situation de prévention secondaire, ce seront les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) ou les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II (ARA II).

Les bêtabloquants ne sont pas indiqués en première intention. Ils seront proposés aux patients avec une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée, une fibrillation atriale permanente ou une coronaropathie.

En cas de grande chaleur, le patient peut suspendre quelques jours le diurétique (l’indiquer sur l’ordonnance). Les AINS sont contre-indiqués en cas de prise d’IEC ou d'ARA II (le mettre aussi sur l’ordonnance). Il ne faut jamais associer IEC et ARA II. Une surveillance clinique (hypotension orthostatique) et biologique (ionogramme, créatinine) sera instaurée, de façon plus étroite que chez les sujets plus jeunes. Cette dernière sera mise en place une semaine après le début du traitement et le rythme adapté à la clairance de la créatinine (en divisant par 10 le chiffre pour obtenir la fréquence en mois, par exemple tous les quatre mois pour une clairance à 40 ml/min).

(1) N.S. Beckett et al. N Engl J Med, 2008 May 1;358(18):1887-98
(2) F. Forette et al. The Lancet, 1998;352(9137):1347-1351
(3) A. Vallée et al. J Clin Hypertens (Greenwich), 2020 Apr;22(4):663-672

Dr Corinne Tutin

Source : Le Quotidien du médecin