En 2019, la première version du chapitre consacré à la nutrition et à l’APA du TNCD s’était essentiellement appuyée sur le rapport de l’Institut national du cancer (INCa) de 2017 et les données de l’Organisation mondiale de la santé (plus particulièrement axées sur la prévention primaire). « Il était devenu indispensable de considérer que la prise en charge des patients atteints de cancer, en particulier digestif, ne se limite pas aux seules thérapeutiques oncologiques mais s’appuie tout autant sur ces soins de support, reconnaît la Pr Cindy Neuzillet, oncologue au département d’oncologie médicale de l'Institut Curie à Saint-Cloud. Le cancer colorectal est celui pour lequel les preuves sont les plus solides : elles montrent que l’activité physique (AP) diminuerait d’environ 20 % le risque de survenue ». Mais les données sur l’effet de l’AP, pendant et après les traitements, restaient jusqu’à présent limitées. Selon quelques études observationnelles, les mortalités (spécifique et globale) par cancer du côlon seraient moindres chez les patients les plus actifs.
Un rôle unanimement reconnu
La littérature scientifique s’est récemment étoffée, justifiant d’une actualisation des recommandations en 2022 (1). Le rôle de l’APA a également été reconnu et intégré dans les recommandations de la Société européenne de nutrition clinique et métabolisme (ESPEN) en 2021, et dans celles de la Société américaine d’oncologie clinique (ASCO) en 2022 (2,3). Toutes sont unanimes : dès le début du parcours du patient, les soins de support incluant l’accompagnement nutritionnel et l’APA doivent être déployés et jouent un rôle déterminant dans la prise en charge des cancers digestifs, et plus largement en oncologie. Pendant les traitements, l’APA peut diminuer la fatigue et les autres symptômes liés à la maladie, ainsi que les effets secondaires des traitements. « L’APA est le seul traitement ayant prouvé une efficacité sur la réduction de la fatigue d’environ 30 %, quels que soient le cancer et son extension, souligne la Pr Neuzillet. Elle a également un effet sur la douleur et les nausées chimio-induites ». De plus, il a également été rapporté un bénéfice sur l’anxiété, la dépression, le sommeil, l’image du corps et le bien-être, d’où une meilleure qualité de vie liée à la santé et une observance thérapeutique plus satisfaisante.
Les préconisations du thésaurus 2022
Selon la dernière actualisation de 2022 du TNCD, il est recommandé d’évaluer l’état nutritionnel (poids, IMC, ingesta) et la condition physique du patient, dès le début de la prise en charge, et de les réévaluer régulièrement : indice de performance status, échelle visuelle analogique de fatigue (seuil ≥ 4) au diagnostic puis à chaque consultation, niveau d’AP et de comportements sédentaires, fréquence cardiaque et pression artérielle au repos (au diagnostic puis tous les trois à six mois), éléments pouvant influencer la pratique d’AP (localisations tumorales symptomatiques, comorbidités, polymédication, motivation, douleur, contexte psychosocial).
Dès la consultation d’annonce, une éducation et une information du patient doivent être délivrées sur les bénéfices de l’AP pendant les traitements. Les temps de comportement sédentaire (temps assis ou alité) doivent être limités et la pratique d’AP régulière encouragée. L’implémentation se fait progressivement et prend en compte les effets secondaires et les contraintes des traitements. L’APA associe des exercices d’endurance (aérobie) et de renforcement musculaire.
Chaque fois que possible, il est conseillé d’orienter les patients vers un enseignant en APA pour la supervision, en particulier en cas de freins à la pratique ou de risques particuliers : sarcopénie, comorbidités, maladie métastatique, fatigue intense, baisse importante et récente du niveau d’AP, croyances négatives et crainte autour de l’AP. Enfin, des programmes de pré-habilitation sont en cours de développement en péri-opératoire : ils associent la nutrition, l’APA et la préparation psychologique.
Tumeur du pancréas avancée : une qualité de vie améliorée
Dans l’adénocarcinome canalaire pancréatique avancé, les effets de l’APA sur la qualité de vie liée à la santé ont pour la première fois été évalués de manière prospective et randomisée, dans l’étude multicentrique GERCOR APACaP présentée cette année aux Journées francophones d’hépatogastroentérologie et d’oncologie digestive (4). Au total, 313 patients sous chimiothérapie ont été inclus entre 2014 et 2020. Le programme d’APA à domicile de 16 semaines comportait des exercices personnalisés d'endurance et de renforcement musculaire (avec une supervision hebdomadaire à distance par un professionnel en APA) et des séances avec un membre de la famille ou un ami (non supervisées). À 16 mois, « l’activité physique permettait de maintenir plus longtemps le patient à un niveau correct de qualité de vie liée à la santé, tant d’un point de vue physique que psychologique, commente la Pr Neuzillet. Une tendance non significative se dégageait en faveur d’un effet bénéfique de l’APA sur la survie globale, la survie sans progression et le taux de réponse objective ».
(1) https://www.snfge.org/tncd
(2) Muscaritoli M et al. ESPEN practical guideline: Clinical Nutrition in cancer. Clin Nutr 2021;40:2898-913
(3) Ligibel JA et al. Exercise, Diet, and Weight Management During Cancer Treatment: ASCO Guideline. J Clin Oncol 2022;40:2491-507
(4) Neuzillet C et al. JFHOD 2023; présentation plénière C.071
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