Violences à l'hôpital : les soignants réclament des solutions d'urgence

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Publié le 25/01/2024
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Crédit photo : GARO/PHANIE

À l'hôpital, comme dans d'autres institutions telles que les écoles, collèges et lycées, la violence est en nette augmentation depuis plusieurs années. Selon le dernier rapport de l'Observatoire national des violences en santé (ONVS), en 2021, environ 24 500 personnes ont été victimes d'atteintes aux personnes dans les établissements de santé, dont 22 800 soignants. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Lors d’un colloque au Sénat à l'initiative du Bureau européen d’assurance hospitalière (BEAH) , plusieurs professionnels de santé ont tiré la sonnette d’alarme. Et tenté de trouver des solutions.

Psychiatrie, urgences, Ehpad et cabinets médicaux sont les secteurs les plus touchés par les atteintes aux personnes. En 2021, près de la moitié des personnes concernées étaient des infirmiers. D'après Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers, « menaces verbales, physiques, utilisations d'armes… Trente-cinq infirmiers sont agressés chaque jour contre 15 il y a 10 ans ».

Les médecins représentent 8 % des victimes. Ces taux sont largement sous-estimés, selon le Dr Gérald Kierzek, médecin-urgentiste à l'Hôtel-Dieu (Paris). « Il faut les multiplier par 10. Car il existe une sous-déclaration majeure : médecins et autres soignants ne prennent, malheureusement, pas le temps de porter plainte et leur niveau de tolérance face à l'agressivité a baissé ces dernières années. » Les violences sont de plusieurs types. Tout d'abord, celles qui relèvent du ministère de l'intérieur : dégradation de matériel, vols d'effets personnels, de médicaments, de matériel médical, etc.

Autre type d'agressions : les incivilités. « Nous vivons dans une société de l'immédiateté : les gens veulent consommer du soin. Ils ont du mal à accepter l'attente parfois nécessaire avant d'obtenir un diagnostic. La réponse la plus facile face à la douleur, à l'attente à et l'angoisse du patient et de sa famille, c'est la violence. Dans ces conditions, une salle d'attente des urgences peut rapidement s'embraser. » Une réponse face à laquelle les soignants se trouvent souvent démunis. « On ne nous donne pas les moyens d'aller plus vite », regrette le Dr Kierzek.

Créer des postes de médiation

Pour Alain Juillet, président d'honneur du club des directeurs de sécurité des entreprises (CDSE), « un bon moyen d'apaiser les tensions, c'est de donner des explications aux patients et aux familles dès l'entrée à l'hôpital : organisation du service, raisons du temps d'attente… Face à l'augmentation croissante de la violence, il faut également protéger les établissements de santé, avec des moyens comparables à ceux existant dans d'autres lieux publics, comme les portiques aux entrées ». Le Dr Kierzek soutient quant à lui la « désescalade » de la violence dans les établissements. « Les vigiles et l'armement à outrance ont un effet amplificateur. Il faudrait plutôt créer des postes de médiation permettant, comme cela avait été le cas auparavant à l'Hôtel-Dieu, de fluidifier les relations entre soignants et patients. »

Lassitude et épuisement au sein des équipes

Les violences institutionnelles engendrent, quant à elles, un cercle vicieux : « Comment travailler sereinement quand on nous supprime des lits, que l'on modifie notre planning ou que l'on nous change de service, de façon brutale et inopinée ? Ces situations violentes engendrent de la lassitude et de l'épuisement au sein des équipes. Une des clés majeures pour y mettre fin serait de prendre en compte systématiquement, le bien-être et la bientraitance des soignants, dans tous les hôpitaux », note le Dr Kierzek. Une solution que salue Marco Favale, président de BEA group : « il faut intensifier la prévention à tous les niveaux, à commencer par le bien-être des soignants, action vers laquelle BEAH s'engage depuis plusieurs années ».

Enfin, le Pr Pierre Michelet, chef du service des urgences de la Timone (APHM) souligne les résultats positifs d’expériences visant à créer de la cohésion dans les équipes soignantes, « par une prévention des risques psycho-sociaux et un management qui offre la capacité de faire face à des tensions et des incivilités à tous les niveaux ».

Hélia Hakimi-Prévot

Source : lequotidiendumedecin.fr