Médecin urgentiste en exercice et conseillère médicale à la DGOS en charge, notamment, de la feuille de route des violences en santé, la Dr Aurélie Avondo-Ray a présenté en avant-première les premiers chiffres du rapport 2023-2024 de l’Observatoire national des violences en santé (ONVS), qui devrait être publié d’ici à l’été.
En dépit d’une augmentation régulière du nombre de signalements de la part des établissements, la sous-déclaration de ces violences subsiste (notamment côté libéraux), a expliqué cette experte du ministère. En 2024, exactement « 556 établissements » de santé et médico-sociaux et « 665 professionnels libéraux » ont effectué 20 961 signalements (contre 18 768 signalements en 2022 et 19 640 en 2023). Sans surprise, les secteurs les plus concernés sont la médecine, chirurgie, obstétrique (MCO), la psychiatrie et les urgences.
Des agressions qui progressent en psychiatrie
Les atteintes aux personnes, toujours très majoritaires (86 % des signalements), concernent principalement des violences de niveau 1 (injures, insultes, provocations) et de niveau 3 (agressions physiques) avec, dans ce dernier cas, une croissance particulière en psychiatrie et dans les établissements médico-sociaux. Les professionnels de santé libéraux sont, quant à eux, surtout victimes d’insultes et d’atteintes aux biens. Les victimes de ces actes sont principalement des infirmières et des aides-soignantes.
Dans 70 % des cas, les agresseurs sont des patients ou des résidents. La présence de troubles psychiques et neurocognitifs chez les auteurs de ces violences est mentionnée dans 36 % des signalements. Dans 90 % des cas, aucune démarche complémentaire - plainte ou main courante - n’a été entamée, ce qui illustre la difficulté d’aller jusqu’à la procédure.
Sur ce dernier point, la proposition de loi dite « Pradal » sur la sécurité des soignants, qui vise à renforcer la réponse pénale en cas d’agressions envers les personnels hospitaliers et libéraux, doit aussi permettre aux hôpitaux de déposer plainte pour les agents. Côté libéraux, la compétence du dépôt de plainte a été octroyée aux Unions régionales des professionnels de santé (URPS), en sus des Ordres professionnels. Ce texte vient de faire l’objet d’un accord en commission mixte paritaire.
Violences sexistes et sexuelles
Face à ce fléau, la DGOS a donc musclé sa feuille de route. La direction ministérielle veut s’attacher en premier lieu à assurer l’interopérabilité des bases et systèmes d’information développés sur les violences par les différents acteurs – Ordres, hôpitaux – afin d’agréger l’ensemble des informations et statistiques avec les données de l’ONVS. Mais la déclaration obligatoire des faits de violence n’est pas à l’ordre du jour.
Dans la lignée des annonces du ministre de la Santé Yannick Neuder en faveur d’un plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS), l’ONVS a également vu son rôle évoluer. Devenu coordinateur national contre les violences en santé (incluant les VSS), l’observatoire devra assurer, outre le suivi des signalements, un accompagnement psychologique et juridique des victimes, la mise à disposition d’outils et d’une cartographie des moyens de signalement, ainsi que la publication des sanctions et délais pour traiter les affaires liées aux VSS.
Et parmi les autres évolutions intégrées au plan interministériel pour la sécurité des blouses blanches, l’exécutif promet une prise en considération accrue des violences « numériques » ou encore la généralisation de dispositifs de sécurité pour les structures de ville (déploiement de boutons-poussoirs par exemple).
Référents sécurité
Au total, six axes et dix mesures sont priorisés par la DGOS cette année. Le premier promeut la mise en place d’une gouvernance nationale et territoriale de la violence en santé qui se concrétisera par la création d’un « réseau national de référents sécurité » identifiés au niveau de chaque agence régionale de santé (ARS), déclinés par des réseaux régionaux.
Les protocoles « santé-sécurité-justice » seront également renforcés au niveau national et local. Un groupe de travail spécifique sera consacré aux cyberviolences avec des actions de sensibilisation, de formation et de communication. L’exercice des soignants, notamment en ville, devrait être sécurisé grâce à des dispositifs opérationnels financés en lien avec les Ordres et les collectivités territoriales.
Autre chantier : le signalement des faits de violences via la plateforme unifiée de l’ONVS, la gestion des plaintes et l’accompagnement des victimes. Un dernier axe prévoit la mise en place d’un groupe de travail sur les violences liées aux troubles psychiques, en lien avec une pathologie, qui butent sur la seule réponse pénale.
L’ONVS est placé au sein de la DGOS. Il recueille depuis 2005, sur la base du volontariat, les signalements de faits de violence (atteintes aux personnes - dont les incivilités – et aux biens) commis dans les établissements, dont l’hospitalisation et soins à domicile et sur la voie publique ; et depuis fin 2020, dans le cadre de l’exercice libéral. L’observatoire publie un rapport recensant et analysant ces faits, élabore et diffuse des outils et des bonnes pratiques, et encourage la coordination des acteurs de terrain.
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