Postes vacants, santé publique dégradée : en Nouvelle-Calédonie, l’accès aux soins sous tension

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Publié le 17/05/2024
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Une enquête menée par la chambre territoriale des comptes de la Nouvelle-Calédonie et rendu publique le 13 mai par la Cour des comptes met en exergue les difficultés d’accès aux soins de premier recours dans l’archipel.

Crédit photo : RAPHAEL LAFARGUE-POOL/SIPA

Alors que la Nouvelle-Calédonie, en proie à de violentes émeutes, est sous le feu des projecteurs, un rapport de la Cour des comptes sur l’organisation des soins de premier recours rend compte de disparités significatives entre l’archipel et la métropole et fait état de fortes tensions locales sur l’accès aux soins.

« L’offre de soins de premiers recours est insuffisante par rapport aux demandes, alors même que l’évolution prévisible de la démographie va, à relativement brève échéance, aggraver cet écart, dans le contexte de pathologies chroniques qui caractérise la Nouvelle-Calédonie », écrit la Cour. Qui ajoute : « Les évolutions respectives sur ce territoire de la demande et de l’offre de soins de premier recours se conjuguent pour expliquer les tensions déjà ressenties par les patients dans l’accès à ces soins et le risque de tension encore accrues à l’avenir. »

Certes, le territoire dispose de deux atouts : le réseau dense des centres médico-sociaux (il en existe 27) et une stratégie globale d’évolution de l’offre sanitaire (plan « do Kamo » de 86 actions) pour la décennie 2018-2028. Mais, note la Cour, « cette démarche est encore insuffisamment affirmée et pilotée ».

La Nouvelle Calédonie se démarque de la métropole par des indicateurs de santé publique dégradés. Le taux de personnes déclarant des maladies chroniques (comme le diabète) y est de 22 % (contre 17,7 % pour la métropole) et près des deux tiers des adultes de 18 à 64 ans sont considérés comme étant en surpoids, en particulier en raison des comportements alimentaires. L’absence du dispositif « médecin traitant » rend moins facile le suivi spécifique des patients et l’éducation thérapeutique, rapporte la Cour des comptes.

L’espérance de vie, inférieure à celle de la métropole (82,8 ans), a néanmoins augmenté de près de neuf années en trente ans, atteignant 77,8 ans en 2019. Selon des projections de l’Insee, les plus de 60 ans devraient constituer en 2030 plus d’un cinquième de la population.

Vers un Sas sur l’archipel ?

La cour préconise « une politique ciblée sur l’organisation des soins de premier recours », qui devrait reposer « sur la détermination d’objectifs opérationnels et de cibles précises, fondés sur des indicateurs robustes et disponibles » : passages aux urgences peu justifiés, part des pathologies chroniques prises en charge par des équipes référentes, réduction de la part des personnes sans soins dans l’année…

Sur les soins non programmés, la Cour encourage à une réflexion pour structurer un service d’accès aux soins (Sas), adossé aux principaux sites des urgences (le CHT et le centre hospitalier Nord) de manière à réguler les appels vers les urgences, les consultations libérales ou les centres médico-sociaux. Car SOS médecins et les urgences sont pour l’instant les seules options.

Trop forte concentration des soins

La Nouvelle-Calédonie est aussi caractérisée par une très forte concentration des soins. La province Sud accueille 75 % de la population (18 % la province Nord et 7 % la province des Îles) et en particulier le Grand Nouméa (avec Dumbéa, Païta et Mont-Dore) qui réunit 67 % de la population totale. C’est ici que l’offre de soins est regroupée : 86 % des professionnels de santé (81 % des médecins généralistes, 96 % des médecins spécialistes et 86 % des infirmiers). Dans les provinces Nord et des Îles, ce sont principalement des centres médico-sociaux, lesquels peinent à recruter (9 postes de médecins pourvus sur 30, au 30 mai 2022), qui assurent les soins.

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Peu de données sont disponibles pour confirmer le ressenti des patients sur les délais de rendez-vous, si ce n’est qu’en 2021, 20 % des adultes limitaient leurs visites auprès de professionnels de santé en raison des difficultés d’accès aux soins. Pire, dans les deux provinces Nord et des Îles, plus d’un tiers des habitants n’avait pas consulté un médecin en 2021, contre moins de 20 % dans la province Sud.

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Source : lequotidiendumedecin.fr