Première ombre au tableau du nouveau ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Patrick Hetzel. À peine nommé, le député LR de la 7e circonscription du Bas-Rhin, âgé de 60 ans, fait déjà l’objet de vives critiques de la part de ses détracteurs et de certains internautes qui l’accusent d’avoir défendu des propositions « antisciences ».
Que reproche-t-on exactement à l’universitaire ? Principalement d’avoir soutenu, en avril 2020, l’utilisation de l’hydroxychloroquine pour le traitement précoce du Covid-19, et ce en l’absence de preuves scientifiques sur son efficacité. Aujourd’hui, le médicament est d’ailleurs hautement controversé et la molécule s’est rapidement révélée inefficace contre le Covid.
Défenseur de l’hydroxychloroquine
Dans une lettre adressée le 2 avril 2020 à Emmanuel Macron partagée par lui-même sur X (anciennement Twitter), l’élu avait explicitement fait la promotion du traitement et avait demandé au président de la République d’autoriser les médecins à le prescrire en attendant les résultats des essais cliniques en cours.
« L’hydroxychloroquine, qui était en vente libre en France depuis 40 ans, a fait la preuve empirique de son efficacité (…) Nous savons que la précocité d’un traitement chez les personnes à risque est la clé pour prévenir une pneumonie quasi incurable, lit-on. En restituant aux médecins leur liberté de prescrire en âme et conscience, vous leur témoignerez votre confiance. Qui oserait vous reprocher d’avoir remis la responsabilité de la décision médicale à sa vraie place ? »
Appelant Emmanuel Macron à l’action, il avait conclu : « Au vu des circonstances, nous vous demandons de prendre en considération l’urgence d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) pour l’hydroxychloroquine, l’azithromycine et le zinc parmi d’autres antiviraux dans l’indication de traitement ambulatoire et précoce du Covid-19, en attendant les résultats des essais cliniques contrôlés en cours ».
Remise en question de l’obligation vaccinale et du pass sanitaire
Quelques semaines plus tard, le député avait également, devant l’hémicycle de l’Assemblée nationale, contesté la décision gouvernementale de mettre en place l’obligation vaccinale qui, à ses yeux, posait « un important problème juridique ».
« Tous les vaccins [contre le Covid-19] actuellement administrés en France sont encore en phase 3 des essais cliniques et ne disposent à ce jour que d’une autorisation de mise sur le marché conditionnelle, dont la durée n’excède pas un an. Or, selon la législation en vigueur (…), lorsqu’un traitement est en phase 3, un consentement libre et éclairé est requis pour chaque personne à qui l’on administre un vaccin. La question est donc de savoir comment le gouvernement peut rendre obligatoire un vaccin qui, juridiquement, exige encore un consentement libre et éclairé », avait-il considéré.
Le pass sanitaire est une façon d’obliger la population à se faire vacciner
Patrick Hetzel
S’agissant du pass sanitaire, il s’y était fermement opposé et avait déposé de nombreux amendements contre cette disposition. « Ce n’est ni plus ni moins une façon d’obliger la population à se faire vacciner car sans cela elle ne pourra pas vivre normalement », avait-il déclaré devant les députés, taclant le gouvernement.
Opposé au projet de loi contre les dérives sectaires
Autre élément qui fait de l’ombre au parcours du nouveau ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche ? Son vote au printemps 2024 contre l’instauration d’un délit visant à punir les dérives thérapeutiques.
Dans le cadre des débats autour du projet de loi gouvernemental sur les dérives sectaires, l’article 4 proposait de sanctionner d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende « la provocation à abandonner ou à s’abstenir de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique », ainsi que « la provocation à adopter des pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique ».
Selon Patrick Hetzel, cette mesure n’aurait pas permis de « lutter plus efficacement contre les dérives sectaires ». Pire encore, elle aurait, à ses yeux, constitué une menace pour « les libertés publics ».
Vision conservatrice
Le républicain est également connu pour ses positions conservatrices sur les questions de société et de bioéthique. Il a voté contre le mariage pour tous, l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes et les femmes seules et, en mars 2024, la constitutionnalisation du droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG).
En 2021, lors des discussions parlementaires sur la proposition de loi « visant à renforcer le droit à l’avortement », le député s’est « fermement opposé à ce texte qui prévoit l’allongement des délais légaux d’accès à l’IVG de douze à quatorze semaines, la suppression de la clause de conscience des professionnels de santé, la possibilité pour les sages-femmes de pratiquer des avortements chirurgicaux jusqu’à 10 semaines ainsi que la suppression du délai de réflexion de 48 heures », lit-on sur son site personnel.
En déposant pas moins de 549 amendements au printemps, Patrick Hetzel se préparait à livrer une bataille acharnée contre le projet de loi sur la fin de vie, qui devait légaliser le suicide assisté, avant que la dissolution de l'Assemblée nationale ne stoppe net les débats.
Les carabins vigilants sur la poursuite des réformes
Interrogé par le Quotidien sur la nomination de Patrick Hetzel à l’Enseignement, Lucas Poittevin, président de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), s’est montré ferme sur la poursuite des réformes en cours, tant sur les études de santé que sur celle des bourses, actuellement en phase d’arbitrage. « Nous avons déjà obtenu de l’ancienne ministre l’extension des bourses à 12 mois pour les étudiants hospitaliers en stage pendant l’été. Nous serons très attentifs à ce que cette mesure soit validée par la nouvelle équipe ministérielle », a averti l’étudiant de Besançon.
Alors que le milieu enseignant s’inquiète déjà de la position historique du nouveau ministre sur une plus grande autonomie des universités, Lucas Poittevin se montre moins tranché : « À l'heure actuelle, nous n'avons pas de position précise sur l'autonomie des universités. Ce que nous défendons, c'est que les universités aient la liberté de décliner et d'organiser les réformes en fonction des besoins spécifiques des territoires, analyse-t-il. C’est particulièrement important dans le domaine des formations en santé, où il est parfois nécessaire d'avoir une certaine autonomie pour ouvrir des stages en périphérie ou adapter l'offre de formation au nombre d'étudiants. »
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