Le gouvernement a présenté ce mercredi son avant-projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024. Premier tour d'horizon des mesures qui vont intéresser la profession.
Rendez-vous de prévention, vaccination anti-HPV, précarité menstruelle
Le volet santé publique du PLFSS précise des mesures déjà annoncées, tout en renvoyant les modalités de rémunération à des arrêtés futurs : c'est le cas pour les rendez-vous prévention à 25, 45 et 65 ans et la campagne de vaccination contre les HPV pour les élèves de 5e. Pour les moins de 26 ans, il entérine la gratuité des préservatifs et le remboursement des protections périodiques réutilisables. Enfin, il structure un service de repérage et d'orientation précoce pour toutes les situations de handicap.
Ondam 2024 global à +3,2 %, la ville un peu mieux lotie…
Le PLFSS comporte d'abord une rectification significative de l’Ondam 2023, à hauteur de 247,6 milliards d'euros (au lieu de 244,8 milliards), soit un bonus de 2,8 milliards. Cet écart s'explique principalement par les revalorisations salariales de l'été 2023 (mesures Guérini, mesures d’attractivité sur les gardes, reprise des dépenses de soins de ville).
Pour l’Ondam 2024, la progression autorisée est de 3,2 % (hors dépenses de crise), soit un surplus de 8 milliards d’euros (à champ constant) par rapport à 2023 (dont 3,3 milliards de crédits supplémentaires aux établissements de santé et 3,6 milliards aux soins de ville). Au total, l'enveloppe globale atteint 254,9 milliards d'euros.
Très attendu, le sous-objectif des soins de ville atteint 3,5 %, en tenant compte des actions de maîtrise médicalisée et de lutte contre la fraude pour 900 millions d’euros. Selon le ministère, cet investissement doit permettre « la revalorisation de la consultation des médecins et l'entrée en vigueur des avenants des autres professionnels de santé ». Pas sûr que les médecins libéraux soient de cet avis alors que l'inflation reste supérieure à ce taux.
Quant au sous-objectif des établissements de santé, il évolue à hauteur de 3,2 % pour financer les mesures d’attractivité salariales. La progression des dépenses des établissements et services pour personnes âgées atteint 4,6 %, celles relatives aux établissements pour les personnes handicapées progressent de 3,4 %.
3,5 milliards d’économies !
Cet Ondam général limité à 3,2 % (alors que la tendance naturelle des dépenses est de 4,6 %) suppose 3,5 milliards d’euros d'économies. Comme chaque année, les produits de santé sont fortement mis à contribution pour 1,3 milliard (dont un milliard de baisses de prix). Quelque 300 millions sont exigés des soins de ville – dont 200 millions sur la biologie et 100 millions sur les produits de contraste en radiologie. Environ 1,3 milliard d’euros serait récupéré sur des transferts de dépenses et de responsabilisation des assurés (ticket modérateur pour les soins dentaires). Enfin, 500 millions d’efforts d’investissement s’appliqueront à l’hôpital en matière d’efficience (achats, bon usage, optimisation des fonctions support, mutualisation).
Déficits : 11,2 milliards en 2024
L'avant-projet de loi actualise pour 2023 un déficit prévisionnel de 8,8 milliards d'euros pour le régime général (toutes branches, avec FSV). Et pour l'an prochain, le solde se dégraderait pour atteindre un déficit de 11,2 milliards d'euros, qui continuerait de se creuser les années suivantes (15,8 milliards en 2025, 17,1 milliards en 2026 et 17,5 milliards d'euros en 2027). La branche maladie, à elle seule, accuserait un déficit très proche de 10 milliards d'euros pendant toute cette période (9,3 milliards en 2024, 10 milliards en 2025, 9,7 milliards en 2026, 9,6 milliards en 2027).
Pas de doublement des franchises… pour l'instant
À ce stade, le PLFSS ne comporte pas de disposition explicite visant à doubler les franchises médicales. « À ce stade, c’est une piste, mais aucune décision n’a été prise, c’est en discussion », fait-on savoir à Bercy. Il en est de même pour la participation forfaitaire. La voie réglementaire devrait être utilisée.
Tour de vis sur la fraude
Les caisses d’assurance-maladie pourront réclamer à un professionnel libéral coupable de fraude le remboursement – en plus des sommes versées – des cotisations sociales payées directement à l’Urssaf pour son compte. « Ce remboursement sera dû par le professionnel de santé dans les situations dans lesquelles la caisse aura prononcé à son encontre une sanction administrative (pénalité pour fraude), ou lorsqu’il aura été condamné au pénal (pour une escroquerie à l’assurance-maladie par exemple) », précise Bercy.
Téléconsultations et IJ, haro sur les abus
Lors d’un acte de télémédecine, la prescription ou le renouvellement d’un arrêt de travail ne pourra plus « porter sur plus de trois jours ni avoir pour effet de porter à plus de trois jours la durée d’un arrêt de travail déjà en cours. Il n’y est fait exception que lorsque l’arrêt de travail est prescrit ou renouvelé par le médecin traitant, ou en cas d’impossibilité, dûment justifiée par le patient, de consulter un médecin pour obtenir, par une prescription réalisée en sa présence, une prolongation de l’arrêt de travail », précise l’avant-projet de loi.
Le gouvernement veut aussi que les employeurs puissent plus facilement mettre fin aux arrêts de travail non justifiés après examen d’un médecin contrôleur. Un dispositif qui existe déjà, mais qui n’est pas assez employé, précise Bercy. La maîtrise de la dépense d'IJ supposera un « temps de dialogue dans les prochains mois » pour un éventuel transfert de charge du jour de carence. Le gouvernement entend « diffuser des bonnes pratiques et réfléchir à des mesures » pour les médecins qui « prescrivent trop ».
Angine et cystite : délivrance d'antibiotiques par les pharmaciens actée
Déjà annoncée par Élisabeth Borne, la délivrance d’antibiotiques contre les cystites et les angines par les pharmaciens sans passer par la case médecin, après avoir réalisé un test rapide d'orientation diagnostique (Trod), est entérinée. Jusqu'à présent, seuls les pharmaciens intégrés dans une organisation structurée (maison de santé, centre de santé et CPTS) pouvaient prendre en charge ces pathologies à travers des protocoles interpro bien définis. Cet élargissement de compétences des pharmaciens, mal perçu par les syndicats de médecins libéraux, se fera « pour les cas ne présentant pas de facteur d’alerte spécifiquement identifié dans les critères de la Haute Autorité de Santé », peut-on lire dans l'avant-projet de loi.
Réforme de l'assiette sociale des libéraux, sujet qui fâche
Le PLFFS prévoit la réforme de l'assiette sociale (CSG, cotisations vieillesse) des indépendants – dont les libéraux (lire ici notre article détaillé). Le calcul de l'assiette unique se ferait à partir d'un revenu « superbrut » auquel serait appliqué un abattement au taux de « 26 % ». Cette évolution mécontente le syndicat Avenir Spé pour qui les spécialistes de secteur 2 seront les grands perdants (avec 3000 euros de manque à gagner par an en moyenne).
Généralisation de parcours coordonnés article 51
Obésité, rééducation cardiaque en soins de ville, rééducation respiratoire à domicile... la prise en charge de ces pathologies fait l'objet d'expérimentations dans le cadre de l'article 51 de la loi Sécu 2018. Ces parcours de soins qui font appel un financement collectif pourront être généralisés dans le droit commun. C'est le sens de l'article 23 du PLFSS. Selon le gouvernement, un tiers des expérimentations (sur 135) pourra être généralisé.
T2A : vers un nouveau modèle tarifaire MCO
Le gouvernement a annoncé sa volonté de diversifier les modalités de financement des activités hospitalières MCO en réduisant la T2A tout en accroissant les dotations sur des missions spécifiques, la part populationnelle et à la qualité. Le PLFSS met sur les rails cette évolution vers un mix de financement autour de trois compartiments : des activités standard qui resteront tarifées à l’activité (en chirurgie ou médecine); des activités qui répondent à des objectifs de santé publique (autour de la prévention, de la coordination des parcours) ; enfin des activités pouvant être rémunérées par des dotations identifiées sur des missions spécifiques. Il s’agit par exemple de missions d’intérêt général comme les urgences ou les soins critiques.
Lutte contre les pénuries de médicament
Le PLFSS contient plusieurs mesures visant à réduire les pénuries et les tensions d’approvisionnement en médicaments. Comme prévu, afin de réduire le recours aux antibiotiques, le gouvernement souhaite systématiser le recours à des ordonnances conditionnant la délivrance de médicaments à la réalisation d’un test rapide d’orientation diagnostique (Trod). Autres mesures au menu : la généralisation de la délivrance à l’unité par les pharmaciens des médicaments en rupture d’approvisionnement et l’interdiction de la prescription en téléconsultation de certains produits (en particulier des antibiotiques).
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