Fin mars, le sénateur Alain Milon Les Républicains (LR) a déposé une proposition de loi qui vise à faire inscrire les prestataires à domicile parmi les professions de santé dans le Code de la santé publique.
Actuellement dénommé « prestataires de services et distributeurs de matériels » (PSDM), l’idée est de les faire passer au statut de « prestataire de santé à domicile » (PSAD).
Selon le texte de la PPL, « la dénomination actuelle s’avère réductrice et en décalage avec l’activité réelle de ces professionnels » et la formulation « prestataire de santé à domicile » est « celle utilisée en pratique » et « s’impose aujourd’hui à tous ».
Participation aux CPTS
« Les prestataires de santé à domicile sont des acteurs clef de l'offre de prestations de santé de proximité sur l'ensemble du territoire, au domicile des personnes malades et en perte d'autonomie, qui interviennent aujourd'hui dans la prise en charge de trois millions cinq cent mille personnes (…) Le maillage territorial des prestataires constitue un outil majeur de lutte contre les déserts médicaux », écrit le sénateur, généraliste de formation, dans sa proposition de loi.
L’objectif est donc de renforcer leurs rôles « en faveur de la lutte contre la perte d’autonomie ». En « clarifiant » leur statut, Alain Milon souhaite notamment leur permettre de participer aux CPTS, « de s’inscrire dans le cadre de pratiques avancées, ainsi que dans une démarche de protocole de coopération avec d'autres professionnels ». L’évolution de leur statut leur permettra également d’alimenter le DMP des patients. Ils pourront aussi conclure des conventions d’objectifs et de moyens avec les ARS.
Dérive mercantile
Mais certains voient d’un très mauvais œil cette évolution. Dans un communiqué, la Conférence nationale des unions régionales des professionnels de santé médecins libéraux (CN URPS-ML) dénonce une « ubérisation de la santé ». Cette PPL est « particulièrement révélatrice de la vision d’un système de soins chaque jour ubérisé, détricoté, marchandisé », poursuit-elle.
« Comment peut-on imaginer sortir de la logique de parcours de soins pour confier à des prestataires privés des activités de soins dispensées à domicile et qui nécessitent d’associer à la prise en charge des patients des équipes pluriprofessionnelles compétentes et formées ? », interroge la CN URPS-ML.
Pour elle, les autorisations permettant d’exercer des activités d’hospitalisation à domicile, d’hémodialyse à domicile, de dialyse péritonéale, de chimiothérapie et d’accompagnement aux soins palliatifs, doivent rester réservées aux établissements de santé, médecins ou « des personnes morales dont l’objet porte sur l’exploitation d’un tel établissement ou d’une activité de soins ».
« Ouvrir la boîte de Pandorre sur ces activités, c’est changer la philosophie du parcours de soins toute entière. C’est admettre que les activités de soins ne relèvent plus seulement des professionnels de santé, mais de tout prestataire privé qui pourrait équiper les patients », souligne le communiqué.
Demande de retrait
Dans un communiqué, la FNEHAD (Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile) elle aussi dénonce « cette attaque non dissimulée vis-à-vis des acteurs de santé existants et ce pour des objectifs purement mercantiles ».
Elle s’inquiète par ailleurs de la porte ouverte que pourrait représenter cette évolution. « Si le texte prétend limiter la participation des prestataires aux seuls soins de premier recours, le Président de la Fédération des prestataires de santé à domicile a, quant à lui, indiqué récemment que « la reconnaissance de notre statut permettra d’étendre les compétences des PSAD, dans des domaines comme la dialyse à domicile (…), la chimiothérapie et l’immunothérapie à domicile ou encore les soins palliatifs », activités de soins pourtant soumises à autorisations sanitaires ou à reconnaissances contractuelles. »
Les pharmaciens eux aussi, par la voix de l’Union de syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) s’inquiète de la désorganisation du parcours de santé des patients qu’une telle évolution pourrait représenter. « Dans un contexte de débats complexes sur l’organisation des soins, est-il vraiment opportun de proposer une telle initiative et risquer de déclencher des réactions très vives de la part des professionnels de santé ? », ajoute-t-elle.
Tous demande donc le retrait du texte. Pour la CN URPS-ML le gouvernement et le Parlement doivent rapidement clarifier leur position sur cette proposition de loi « qui doit urgemment rester au stade de proposition et ne pas passer la barrière de l’examen parlementaire ».
En janvier 2020, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), dans un rapport, s’était prononcée contre la reconnaissance d’un statut du professionnel de santé pour les PSDM.
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