Quelle est la genèse de cette proposition de loi ?
Frédéric Valletoux : La volonté du groupe Horizons vient des élus locaux que nous sommes tous : nous voulions nous saisir de la thématique de la santé et notamment l’accès aux soins. Nous avons choisi de retirer la proposition de loi Mesnier début mars, car il y avait de fortes tensions entre les syndicats et le gouvernement : nous ne voulions pas en ajouter, dans un esprit de responsabilité. Mais nous ne voulions pas non plus lâcher le sujet. Mon souhait était de partir du texte du groupe, qu’il prenne en compte les annonces du président de la République du 6 janvier, pour qu’il soit ensuite porté par la majorité présidentielle, lui donnant ainsi une plus grande force et efficacité.
Dans le texte porté par Thomas Mesnier, une régulation à l’installation était inscrite. Dans le vôtre, cette disposition est absente…
F.V. : Il n’est pas dit que le sujet ne réapparaisse pas dans les débats ! Il reviendra très probablement via les amendements du groupe Garot qui porte un texte transpartisan, mais pas que… J’ai voulu poser une proposition de loi telle que je vois les choses. Je ne méconnais pas les difficultés de la médecine libérale et notamment des généralistes. Cette PPL est là pour donner un signe de confiance aux acteurs de terrain, avant toute solution coercitive, radicale ou normative. En utilisant les territoires de santé comme maillage, pour simplifier et rendre plus visibles les politiques de santé à l’échelon local : il faut que le monde libéral soit dedans.
Justement, la proposition de loi transpartisane portée notamment par Guillaume Garot (Parti socialiste) n’est toujours pas inscrite à l’ordre du jour…
F.V. : Le choix qui a été fait est de s’appuyer sur ma proposition de loi. Mais d’autres amendements seront déposés ; nous aurons un beau débat. Cette PPL fait le pari de faire confiance aux professionnels de santé pour faire des propositions. En cas de carence, l’État et les ARS prendraient leurs responsabilités, si les acteurs de terrain ne bougeaient pas. Collectivement, tous peuvent mettre en place des organisations qui répondent au défi d’un meilleur accès aux soins pour les Français.
Quid du climat à l’Assemblée sur la régulation à l’installation des médecins, de plus en plus d’élus semblent prêts à franchir le pas…
F.V. : La pression monte. Les élus ont l’impression que nous avons beaucoup attendu les propositions et les réponses concrètes aux enjeux de la part des représentants des médecins libéraux… et ils ne voient rien venir. Les difficultés d’accès aux soins sont devenues quotidiennes. Il y a 17 ans, quand je suis devenu maire de Fontainebleau, personne n’en parlait ! Aujourd’hui, c’est tout le temps : à chaque visite, chaque manifestation, chaque rencontre avec un conseil municipal… et la sensation que les représentants des médecins n’ont pas pris la mesure du problème persiste.
Les syndicats se sont insurgés contre l’inscription automatique à une CPTS, disposition issue de votre texte. Quel est votre sentiment ?
F.V. : Le problème c’est que j’écoute et je lis les propositions des syndicats, mais pardonnez-moi, je trouve qu’elles ne sont pas à la hauteur des défis majeurs du pays. Contrairement à ce qu’ils prétendent, j’estime et je défends la médecine libérale. Le généraliste traitant doit être l’opérateur principal du système de santé, au cœur de tout, et, trop longtemps, il a été dévalorisé.
Très clairement : nous n’obligeons pas à intégrer une CPTS. Nous estimons qu’un professionnel de santé, sur un territoire donné, fait partie de la CPTS par défaut, avec une responsabilité sur la déclinaison des politiques d’intérêt général, comme la permanence des soins, la prévention et l’équilibre de l’offre de soins territoriale. S’il ne veut pas y appartenir, il pourra en sortir ! Mais si l’on veut que les professionnels de santé s’emparent de ces outils, il faut que ce ne soit pas toujours les mêmes qui soient à la manœuvre. J’en vois qui fonctionnent bien, mais elles n’emmènent que 30 à 40 % des professionnels de santé du territoire. Faisons confiance aux acteurs (médecins, représentants de patients, élus etc.) locaux.
L’autre article de ce texte qui fait polémique est l’obligation de la permanence des soins « pour tous ». Concerne-t-elle également les libéraux ?
F.V. : La permanence des soins ambulatoires (PDSA) est déjà dans la loi Rist. L’article dans notre PPL n’est pas complètement rédigé : nous l’amenderons lors des débats. Mais nous avons posé le principe : tous les professionnels de santé, que ce soit en cabinet ou en clinique, sont partie prenante de la permanence des soins. Nous revenons à une situation connue pendant des années.
Ne craignez-vous pas que ces dispositions nuisent à l’attractivité de la médecine libérale, et notamment générale ?
F.V. : L’attractivité de la profession ne passe pas par moins de contraintes et moins d’exigences, dans un système économique qui est solvabilisé par la solidarité nationale. Il n’est pas anormal que l’État et la représentation nationale posent des contreparties… Peut-être que ce principe a été oublié avec le temps, mais il est majeur. Beaucoup de professions sont beaucoup plus régulées que la médecine générale, sans un euro de financement public… Le cœur du système de santé a été oublié.
En revanche, la question de la rémunération de la consultation aurait dû être posée depuis longtemps, mais je ne suis pas ministre de la Santé ! J’entends des généralistes qui se demandent « quelle est notre place dans le système de santé ? », c’est un vrai sujet. Mais ils ne sont pas aidés par leurs représentants qui n’ont pas toujours un discours qui éclaire l’avenir. Ce qui crée aussi une désertion des syndicats vers des collectifs qui versent dans une plus grande radicalité encore. Le pays a besoin de plus d’innovations, d’envie et de souplesse d’adaptation, comme c’est le cas chez d’autres professions de santé. L’image qu’ont les députés des médecins provient aussi de celle donnée par les syndicats…
« Even Elephants Do It », une pièce en l’honneur de Cécile Winter, médecin engagée contre le Sida
« Deep Learning Amnésie Profonde », une pièce qui interroge sur le lien entre Alzheimer et nouvelles technologies
Dr Chloë Ballesté, université de Barcelone : « Dans les hôpitaux espagnols, le don et la greffe sont prioritaires »
Don d’organes : comment faire reculer l’opposition ?