Dominique Libault l’affirme sans ambages, « les sujets que nous traitons sont complexes et nécessitent un temps d’entrée ». Le président du Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), également directeur général de l'école nationale supérieure de Sécurité sociale (EN3S), est revenu pour Le Quotidien sur les deux rapports qu’il remettra à la Première ministre « à la fin du premier semestre 2024 ». L’un porte sur les liens entre production et redistribution sociale, l’autre sur la fraude.
Sur ce dernier chapitre, l’ambition est d'abord d’arriver à « dire des choses les moins contestables possibles », révèle Dominique Libault, alors que des chiffres fantaisistes circulent régulièrement sur l'ampleur des fraudes. Côté prévention, il conviendra de réviser les procédures actuelles et de les simplifier « à la fois pour les usagers et les professionnels de santé, sans déclencher des flux financiers importants d’erreurs ou de fraudes ». Actes fictifs, surcotations, etc. : l'objectif est aussi de mieux parer les menaces qui viennent des soignants eux-mêmes même si, précise Dominique Libault, « moins de 5 % des professionnels de santé sont à l’origine des problèmes de fraudes. » À titre personnel, il se dit « inquiet des réseaux numériques qui proposent des faux certificats, à l’image des faux arrêts de travail ». « Les capacités techniques permettant d’usurper des identités et des documents sont en train de croître », citant l’intelligence artificielle.
Évaluer le manque à gagner résultant de la fraude sociale reste un chantier en soi. Des rapports parlementaires ont chiffré le préjudice annuel à 1,5 milliard d'euros, la Cour des comptes estime qu’il y aurait chaque année six à huit milliards d’euros de fraudes avérées sur les prestations sociales, des experts avancent jusqu'à 30 milliards d'euros de pertes. Le rôle du HCFiPS sera donc aussi de « clarifier les données sur le montant ».
L'exécutif a en tout cas souhaité changer de braquet. En mai dernier, l'ex-ministre des Comptes publics Gabriel Attal avait assuré que le nombre de redressements allait « doubler d'ici à 2027 », grâce à la création de mille postes supplémentaires pour lutter contre la fraude sociale et à l'investissement d'un milliard d'euros dans les systèmes d'information, notamment pour mieux croiser les données. Quant au projet évoqué de fusion progressive de la carte Vitale et de la carte d’identité (dans une même carte sécurisée), il soulève de vives inquiétudes, l’Assurance-maladie et la Cnil ayant émis des réserves.
La santé, moteur du PIB
Quant aux travaux sur les systèmes de production/redistribution, le patron du HCFiPS entend montrer que « mettre de l’argent dans le système de santé peut bénéficier au PIB », avec des créations importantes d'emplois non délocalisables, à condition de ne pas investir « n’importe comment » et de « maîtriser la dépense publique ». In fine, « les choses sont plus complexes que l’on croit », confie-t-il.
Et de citer le mauvais exemple des États-Unis qui investissent, certes, 18 % de leur PIB dans la santé, mais pratiquent des coûts très élevés et sont mauvais en prévention. « Il est donc possible de dépenser beaucoup, sans obtenir de résultats », cadre Dominique Libault. Mieux rémunérer les acteurs du soin et mieux prendre en charge l’innovation thérapeutique semblent des stratégies vertueuses pour dynamiser la croissance française et éviter des départs à l’étranger ou des délocalisations.
De fait, la protection sociale participe déjà massivement à la production de richesse puisque la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) représente 9 % du PIB. Pour l’ancien directeur de la Sécurité sociale (DSS), la santé au travail est un sujet qui devrait prendre de l'ampleur, avec de fortes marges d'amélioration, grâce à la prévention.
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