20 ans après sa promulgation, comment la loi Kouchner a fait évoluer les droits des patients ? Le colloque singulier entre soignant-soigné a-t-il vraiment évolué ? Quels sont les enjeux et les perspectives d'évolution de cette loi ?
Autant de questions qui ont été abordées ce mardi 29 mars à l'occasion d'un débat organisé par le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) à son siège.
Une avancée historique pour le droit des patients…
Invités à prendre la parole, médecins et acteurs de la santé ont rappelé les avancées permises par ce texte de loi, à l'instar du Pr Joseph Gligorov, praticien hospitalier au département d'oncologie médicale à l'hôpital Tenon à Paris (AP-HP).
« Cette loi est fondamentale sur bien des aspects. En premier lieu, pour l'amélioration de la relation soignant-soigné. Au-delà de ça, ce texte met en place les bases d'un nouveau système de santé en termes qualitatif. La loi Kouchner intègre une composante fondamentale qui est celle de la démocratie sanitaire. »
Pour Gérard Raymond, président de France Assos Santé, « cette loi a été la plus grande invention du début du XXIe siècle. (...) Elle a permis aux associations de patients et aux représentants d'usagers de devenir des acteurs incontournables pour faire évoluer le système de santé via leur participation à des instances comme les commissions des usagers des établissements de santé (etc.) ».
... encore peu connue
Pourtant, comme en atteste l'étude réalisée par le Cnom sur l'appropriation de la loi Kouchner menée auprès de plus de 1 000 médecins et 900 patients, ce texte reste mal connu, en dépit « d'une large diffusion », selon le Cnom.
« Nous avons été surpris de voir qu'une bonne moitié des patients (54 %) disaient ne pas connaître la loi Kouchner. Sur l'ensemble des médecins interrogés, 6 % nous ont indiqué spontanément qu'ils ne la connaissaient pas », a avancé Dr Claire Siret, présidente de la Commission des relations avec les associations de patients et d'usagers du Cnom.
Enjeux et difficultés
Une méconnaissance donc, mais aussi des difficultés d'ordre organisationnel qui ne permettent pas toujours une bonne application de la loi.
« Il y a effectivement beaucoup d'informations disponibles. Mais il y a une différence entre la théorie et la pratique. Cette loi mérite un accompagnement. Le propre de la médecine est le compagnonnage mais les manques de temps et de moyens nous conduisent parfois à faire l'impasse sur cet aspect », a avancé le Pr Joseph Gligorov.
« Il est vrai que le manque de compagnonnage peut avoir des répercussions sur le colloque singulier entre médecin et patient », a insisté à son tour Lucas Reynaud, médecin urgentiste.
Le Dr Claire Siret, a, elle, rappelé que les difficultés rencontrées pour faire appliquer cette loi concernaient aussi la ville. « Il ne faut pas oublier que la médecine de ville manque aussi de temps médical pour parvenir à mettre en place le consentement éclairé qui a d'ailleurs vraiment révolutionné la relation médecin-patient. »
Pour développer le compagnonnage, la praticienne a insisté sur la nécessité de développer la maîtrise de stage. « C'est le vecteur principal pour que les jeunes comprennent ce qu'est l'exercice libéral et ce qu'est le colloque singulier ».
Se disant « naturellement très sensible à l'expression des soignants à l'égard de la complexité de la relation de soins », l'ancien ministre de la Santé Claude Evin, rapporteur du texte en 2002, a tenu à rappeler que la nécessité d'informer le patient ne devait pas être vécue comme une contrainte. « Cette démarche d'adhésion du patient à la démarche thérapeuthique est absolument nécéssaire. Finalement cela fait partie du soin », a-t-il étayé.
Des perspectives d'amélioration
Par ailleurs, plusieurs pistes d'améliorations ont été avancées durant ce débat. Le Dr Claire Siret a notamment insisté sur la nécessité de porter une attention particulière aux personnes âgées dépendantes et/ou handicapées, « dont les droits sont facilement attaqués. »
Le président de France Assos Santé a suggéré d'engager des efforts « pour rendre l'accueil des patients, l'annonce de la maladie et l'organisation des soins plus humains. »
Il s'est par ailleurs montré enthousiaste quant à la création de Mon espace santé.
« Ce nouvel outil est très intéressant car il permet aux patients de gérer leurs données de santé. Cela va nécessairement créer un lien de confiance entre soignant et soigné. Cela doit nous servir à créer du lien, du dialogue entre médecin et patient ».
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