D’abord réservée aux soignants de plus de 50 ans ou avec comorbidités, la vaccination a été étendue depuis le 6 février dernier à l’ensemble des professionnels de santé, aux pompiers et aux aides à domiciles.
Pourtant, malgré les appels du ministre de la Santé Olivier Véran invitant les soignants à se faire vacciner, ces derniers peinent à franchir le pas.
Sur les 600 000 premières doses d’AstraZeneca, notamment destinées aux soignants, seulement 25 % ont été utilisées en un mois, a annoncé mardi le ministère de la Santé. Le 26 février, seul 34 % du personnel médical de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris avait reçu une première injection. Santé publique France a elle indiqué que 37 % des professionnels de santé en Ehpad étaient vaccinés.
Ces chiffres peu élevés, deux mois après le début de la campagne, posent question. Et amènent certains à ouvrir le débat de rendre obligatoire la vaccination des soignants. C'est ce que réclame le Pr François Chast, chef de service de pharmacie clinique de l’hôpital Necker à Paris dans une lettre adressée à des collègues : « À l’heure du vaccin (enfin) accessible à tous les hospitaliers, la Covid nosocomiale est un vrai scandale. Il est en notre pouvoir de rendre ce vaccin obligatoire. » Au 14 février, les infections Covid recensées au sein des établissements de santé représentaient 44 401 cas, dont 28 839, soit plus de la moitié, concernaient des patients.
Un problème de communication
Fervent défenseur de la vaccination, l'ancien journaliste et médecin Jean-Daniel Flaysakier confie au Généraliste son étonnement sur le faible taux d'adhésion des soignants aux vaccins : « Je ne comprends pas que celles et ceux qui sont le plus avec les patients ont le plus de réticence quant à la vaccination. Je ne me verrais pas aller à l’hôpital non-vacciné. » Selon lui, cette situation est avant tout la conséquence d'un « problème de communication » : « le vaccin AztraZeneca a un taux d’efficacité de 70 %, soit une fois et demie celui d’un vaccin contre la grippe. »
Quant aux doutes de la profession, Jean-Daniel Flaysakier y voit les effets à long terme de politiques successives de vaccination ratées. « Ce qui nous arrive est la rançon de la mauvaise gestion de la grippe H1N1 en 2009. Nous vivons dans un climat de manque de confiance, alimenté par les médecins de plateau, les antivax et les complotistes, dont ceux qui croient que le Big Pharma tire les ficelles. »
Les doutes sur les variants
Pourquoi les médecins se méfient-ils donc autant du vaccin AstraZeneca ? Reviennent souvent l’argument des effets secondaires (des syndromes grippaux) et la protection légèrement plus faible que les vaccins à ARN messager ; est avancé aussi le doute de l’efficacité contre le variant sud-africain. Mais les récentes études israélienne et écossaise ont rassuré sur l’efficacité du vaccin.
Le patron de l'UFML-S, le Dr Jérôme Marty, reconnaît au Généraliste sa part de responsabilité dans la défiance à l’égard du vaccin AstraZeneca : « Quant nous avons écrit ce communiqué de presse appelant à réserver les vaccins Pfizer et Moderna aux soignants (le 9 février, ndlr), nous n’avions pas les résultats de l’étude écossaise. Aujourd’hui, nous préconisons pour les plus de 50 ans le vaccin Pfizer et pour les moins de 50 ans l’AstraZeneca. »
Mais le praticien partage également des retours terrains alarmants : « Des patients m’ont rapporté que des médecins refusent de vacciner ou de porter le masque et encouragent à faire de même. Il faut absolument les pénaliser. Nous avons une certitude pour lutter contre l’épidémie : un vaccin qui fonctionne avec des taux jamais vus, 100 % remboursés par l'Assurance maladie, il faut l’utiliser. »
« On ne sait plus sur quel pied danser »
Le Dr Matthieu Calafiore, généraliste à Wattrelos (Nord) partage également son inquiétude sur « les propos de médecins censés avoir un recul scientifique ». Le praticien « comprend et partage l'interrogation des soignants sur leur vaccination » avec AstraZeneca, mais pour lui, il n'y a pas de doute possible : « si la vaccination était rendue obligatoire, bien évidemment que je le ferais. » Le véritable problème à ses yeux est la gestion du gouvernement, « qui multiplie les changements de recommandations » sur les publics prioritaires, mettant les médecins en difficulté face aux patients… « On ne sait plus sur quel pied danser, lâche le Dr Calafiore ».
Nul doute que le débat de l'obligation de vaccination des soignants devrait se poursuivre dans les prochains jours. Ce mercredi, le médecin le plus connu de France, le Dr Michel Cymes, a fait savoir qu’il était favorable à une obligation de vaccination des soignants.
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