À l’unanimité, le Sénat a voté mardi en faveur d’un encadrement plus strict des centres de santé dentaires et ophtalmologiques, dont certains sont accusés depuis plusieurs années de dérives, voire de fraudes. Un durcissement auquel la ministre Agnès Firmin Le Bodo, chargée des professions de santé, a dit « souscrire pleinement ».
Dans le détail, le texte rédigé par la députée Fadila Khattabi (Renaissance) réintroduit l’obligation d’un agrément délivré par l’agence régionale de santé (ARS), préalable à l’ouverture d’un centre. Un agrément supprimé en 2009 par la loi Bachelot afin d’améliorer l’accès aux soins, mais qui a mené « au cours des dernières années à de nombreuses pratiques contraires à la réglementation », déplore le texte de loi.
Autorisation provisoire et diplômes vérifiés
Le texte adopté au Sénat prévoit aussi que les centres qui souhaitent proposer des soins dentaires ou ophtalmos soumettent d'abord un « projet de santé », les « déclarations de liens et conflits d'intérêts » de leur instance dirigeante et les « contrats liant (leur) organisme gestionnaire à des sociétés tierces », pour bénéficier de cet agrément. Cette autorisation serait provisoire – un an – et ne serait pérennisée qu'après une visite de conformité. Les établissements devront remettre à l'ARS et à l'Ordre régional des médecins ou des chirurgiens-dentistes les contrats et diplômes des soignants embauchés.
Les centres qui existent déjà auraient de leur côté six mois pour faire une demande d'agrément concernant leurs soins dentaires et ophtalmo. Les sénateurs ont porté de deux ans à 30 mois le délai butoir à l'issue duquel aucun centre ne pourrait offrir ce type de soins sans autorisation. Cela laisse ainsi deux ans aux ARS après le dépôt des derniers dossiers pour délivrer les agréments.
Ratios de médecin et amendes plus salées
Pour lutter contre les dérives, le texte prévoit également que soit défini « au sein des centres de santé ophtalmologiques, un ratio d’un pour un entre le nombre d’assistants médicaux et le nombre de médecins ». Un comité médical sera mis en place dans chaque centre pour assurer « la qualité et de la sécurité des soins ». Il devra faire régulièrement des rapports à l'ARS. Côté patients, il est prévu de « renforcer les obligations d’identification des professionnels réalisant les soins », en prévoyant une information sur les praticiens dès la prise de rendez-vous, indique le Sénat.
Des sanctions sont prévues ou renforcées contre les gestionnaires de centres qui manqueraient à leurs obligations. Les sénateurs ont ainsi relevé les valeurs de l'amende administrative maximale et de l'astreinte journalière – respectivement à 500 000 et 5 000 euros.
« Machines à cash »
Cette proposition de loi fait suite, notamment, au scandale Dentexia, ces centres dentaires low cost liquidés après de nombreuses plaintes de patients, et Proxidentaire, où des dizaines de malades avaient dénoncé des mauvais traitements, des mutilations et des abus financiers. « Réguler, c'est redonner confiance aux Français dans les centres de santé », a souligné Agnès Firmin Le Bodo, mardi en séance.
Lors de son examen à l’Assemblée nationale en décembre, Fadila Khattabi avait évoqué le poids financier « considérable » – plus de 12 millions d’euros – des pratiques frauduleuses de certains centres pour les comptes la Sécu. Selon elle, certains gestionnaires ont « créé de véritables machines à cash, sans se soucier de l’éthique médicale et de la qualité de soins ».
Les Libéraux de santé (LDS, qui regroupent 11 syndicats représentatifs) ont salué de leur côté, grâce au vote d'un amendement du sénateur Jean Sol, « l’interdiction de la publicité en faveur des prestations délivrées par ces structures » qui, contrairement aux professionnels de santé libéraux, bénéficiaient d’un vide juridique sur ce point.
La proposition de loi doit désormais retourner en deuxième lecture à l'Assemblée nationale.
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