Ces vœux étaient attendus. Trois semaines après ceux prononcés « aux acteurs de la Santé » à Corbeil-Essonnes par le président de la République, le ministre de la Santé et de la Prévention François Braun s’est lui adressé le 30 aux « forces vives » du secteur, à l'instar d’Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé.
Et, surprise, le médecin urgentiste s’est adressé directement aux médecins libéraux. « Je veux croire que nous sommes en mesure de trouver, dans le cadre de la négociation engagée par l’Assurance maladie, un chemin qui permettra de réconcilier la juste prise en compte des préoccupations des médecins libéraux, dont la situation peut être très difficile dans certains territoires, et la nécessité de faire évoluer les modalités d’exercice pour mieux répondre aux besoins de la population. »
Plus de rémunération pour ceux qui s’engagent
Sans s'avancer sur une enveloppe, le ministre a défendu les récentes annonces. Il s'est engagé à « mieux rémunérer les médecins qui s’engagent pour leur territoire », soit ceux « qui augmentent le nombre de leurs patients, participent à la permanence et à la continuité des soins, contribuent à apporter des réponses dans les territoires fragilisés, œuvrent à la mise en place de parcours de prise en charge pluriprofessionnels par l’exercice coordonné ». François Braun indique donc croire au « contrat d’engagement territorial individuel entre chaque médecin et l’Assurance Maladie, pour que la somme des engagements individuels puisse se mettre au service des besoins collectifs du territoire ». Et, ce, notamment à l’aide des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
En revanche, le ministre de la Santé et de la Prévention a rappelé son opposition à toute coercition pour les jeunes médecins, qui « présenterait des risques dans la durée, justifiant, dans un objectif d’efficacité, de plutôt rechercher la solution dans l’engagement raisonnable de tous ». L’échéance de fin février, terme des négociations, approche… alors que les syndicats se sont tous retirés des groupes de travail.
Développer les équipes traitantes
Si 2023 sera un tournant pour la Santé, selon le ministre, il n’y a pas de « potion magique ». François Braun saisit toutefois l’opportunité de ses vœux pour dérouler son plan en dix points, gardant la lutte contre toutes les inégalités de santé – financières et territoriales notamment – comme boussole. Et les médecins libéraux jouent une place déterminante dans cette feuille de route.
La priorité numéro une est de « garantir à tous les Français souffrant d’une affection de longue durée (ALD) un accès à un médecin traitant ». Une instance de pilotage sera ainsi installée au niveau national dans les prochaines semaines avec l’ensemble des acteurs, avant d’être déclinée dans chaque territoire. D’ici fin juin, assure le ministre, « tous les patients en ALD et n’ayant pas déclaré de médecin traitant auront été contactés, pour leur proposer des solutions concrètes ». Cet objectif passera également par le développement des équipes traitantes autour du médecin traitant, lequel sera valorisé pour son engagement dans le cadre des négociations conventionnelles, précise le ministre.
Une simplification autour des certificats médicaux
Autre priorité pour François Braun : redonner du temps médical, en ville comme à l’hôpital. Pour les libéraux, la mission portée par le Dr Jacques Franzoni et Pierre Albertini donnera lieu à des simplifications nouvelles « dès février », à l’instar des « simplifications déjà acquises pour éviter le recours inutile au médecin », comme les « certificats médicaux déjà supprimés, mais toujours sollicités dans de multiples circonstances ».
Le système simplifié de recours aux assistants médicaux, négocié entre libéraux et l’Assurance maladie, a lui aussi été rappelé par le ministre, lequel fixe comme objectif leur nombre de 10 000, fin 2024, précisant qu’un plan spécifique sera construit pour expliquer et faire connaître le dispositif.
Plus de coopérations… coordonnées !
L’exercice coordonné est également vu par François Braun comme un champ d’amélioration. Pour lui, « nous devons nous mobiliser pour que l’exercice isolé devienne l’exception ». Il appelle à « la simplification des protocoles de coopération » et à l’accompagnement « de manière très concrète » les projets d’exercice coordonné, comme les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) ou les équipes de soins primaires (ESP). Thomas Fatôme est chargé de relancer « rapidement » les travaux à ce sujet.
Saluant le travail de Stéphanie Rist, qui a porté une loi d’accès direct aux infirmiers de pratique avancée notamment, le locataire de Ségur a souhaité mettre les choses au clair par rapport aux critiques formulées. « À ceux qui réclament un accès direct dérégulé, je dis très sereinement que je ne le permettrai pas. À ceux qui défendent, à l’inverse, le statu quo, je dis que cela est mortifère, et que cela n’est pas, non plus, mon chemin. À ceux qui portent haut le mépris et l’invective contre telle ou telle profession, je dis que ces comportements n’ont pas leur place dans la communauté des soignants. » Pratique avancée, protocoles de coopération, partages et délégations de compétences… ces leviers se déploieront « dans des organisations territoriales coordonnées », a insisté François Braun. Les syndicats libéraux ont appelé à manifester le 14 février devant le Sénat en opposition à cette loi Rist.
Un tour de France des SAS
Troisième priorité : assurer à tous les Français, partout sur le territoire, la continuité et la permanence des soins ; en journée, le soir, les week-ends et les jours fériés. Ce qui, pour le ministre, ferme, « n’est pas négociable ». À ce titre la participation des médecins à la régulation médicale ou l’effection sera reconnue dans « le cadre plus global de l’engagement territorial », en plus de donner lieu à une rémunération dédiée. Ainsi, un « tour de France des Services d’accès aux soins sera engagé d’ici la fin février, avec l’objectif de garantir un maillage de tout le territoire d’ici la fin de l’année », a annoncé François Braun.
Dans le même temps, une mission de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sera lancée dans les prochains jours pour résoudre « l’épineuse question du partage de la permanence des soins entre les établissements de santé publics et privés ». Une concertation sera également ouverte au premier trimestre sur « la juste reconnaissance de cette permanence des soins. Cette sujétion des nuits, des week-ends et des jours fériés ; et sa prise en compte au fil de la carrière ». En attendant ces résultats, les mesures de valorisation issues de la mission flash de cet été seront maintenues, a répété le ministre.
5 000 IPA en activité d'ici fin 2024
Parmi les autres mesures annoncées pour les libéraux : un guichet unique pour faciliter les aides ; la continuité des CNR locaux pilotés par les agences régionales de santé (ARS) ; une nouvelle stratégie vaccinale ; un plan de lutte contre le tabac ; le développement du sport-santé ; une deuxième étape pour le 100 % santé ; ou encore l’objectif de 5 000 infirmiers en pratique avancée (IPA) en activité d’ici fin 2024.
Le ministre a également indiqué que pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2024 est prévue pour l’État la possibilité de financer un collectif de professionnels. En attendant, le fonds d’intervention régional (FIR) peut être utilisé.
Les 3 500 dossiers Padhues traités d’ici fin avril
De son côté, la ministre déléguée à l’Organisation territoriale et aux Professions de santé a rappelé l’importance des soignants et a souhaité placer ses vœux « sous le signe de l’optimisme ». Agnès Firmin Le Bodo a notamment indiqué que les 3 500 dossiers de médecins étrangers (praticiens à diplôme hors Union européenne – Padhue) seraient traités d’ici le 30 avril 2023.
Elle a aussi évoqué la logique « une seule Santé » à laquelle elle adhère, rapportant que la santé environnementale, ainsi que la gestion de l’eau seraient au cœur de son mandat. Enfin, sur la fin de vie, la pharmacien s’est félicité que « peu importent les conclusions, peu importe si la loi évolue, nous aurons réussi à parler et débattre de la fin de vie dans notre pays ».
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