Le Dr Isabelle Taymans- Grassin, généraliste et mère de Charlotte, née avec une agénésie transverse de l’avant-bras gauche, se confie dans un livre intitulé D’étranges coïncidences. Elle y évoque le choc vécu à la naissance de sa fille, les obstacles liés à son handicap, mais surtout son combat pour obtenir la transparence des autorités sanitaires sur les cas d’enfants nés sans bras à Guidel (Morbihan).
En couchant sur le papier son histoire, ou plutôt celle de sa fille Charlotte, née en 2012, le Dr Isabelle Taymans-Grassin, généraliste, veut faire bouger les lignes. Maman d’une fillette atteinte d’une agénésie transverse du membre supérieur gauche (ATMS), elle relate dans D’étranges coïncidences* la lutte de sa vie. « J’ai écrit ce livre pour laisser une trace à ma fille et à nos proches et pour partager notre expérience avec d’autres familles qui pourraient être touchées », explique au Généraliste la médecin désormais installée en Belgique.
Plusieurs cas similaires ont en effet été recensés en France. À Guidel, dans le Morbihan, où est née Charlotte, deux autres enfants atteints de malformations du membre supérieur sont nés en 2011 et 2013. Le Dr Taymans-Grassin habitait avec son mari et sa fille en Bretagne jusqu’en 2013 avant de déménager à Bruxelles, où elle exerce actuellement. D’autres cas regroupés (clusters) ont également été identifiés dans l’Ain (une dizaine d’enfants nés entre 2009 et 2014), en Loire-Atlantique (trois naissances entre 2007 et 2008) et dans les Bouches-du-Rhône (trois naissances en 2016).
Du choc à la colère
Au fil des quelque 200 pages de son livre, le Dr Taymans-Grassin raconte l’arrivée de son premier enfant dans la famille. Le choc vécu à la naissance de Charlotte, sa malformation n’ayant pas été diagnostiquée in utero. Les trois échographies n’avaient en effet rien décelé. Puis le parcours d’acceptation du handicap. Le désarroi des premiers temps, la peur du regard des autres et l’inquiétude quant aux éventuelles difficultés d’apprentissage de Charlotte ont, au fur et à mesure, disparu pour laisser place à un lien unique entre la mère et sa fille.
La médecin généraliste a d’ailleurs puisé dans cette force pour mener son combat et trouver des réponses sur les causes de la malformation de son enfant, qu’elle préfère qualifier affectueusement de « petit bras », rejetant l’appellation médiatique de « bébé sans bras ».
Dans son livre, Isabelle Taymans-Grassin fait aussi part de sa colère vis-à-vis des politiques. Elle dénonce l’inaction des autorités sanitaires pour trouver les facteurs de risque, selon elle environnementaux, des clusters. « Les systèmes de surveillance ont failli et aucune alerte n’a été suivie d’effets, déplore l’auteure. Nous n’avons jamais senti de réelle volonté d’investiguer. » En novembre dernier, la Direction générale des soins (DGS, ministère de la Santé) a lancé une enquête nationale et le comité d’experts scientifiques chargé de ces investigations, avec l’appui de Santé Publique France et de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), a rendu un rapport aux conclusions peu contributives. Le cluster de Guidel a été reconnu, pas celui de l’Ain. Aujourd’hui, l’enquête est toujours en cours mais « le calendrier n’est pas respecté et ce n’est pas un sujet brûlant pour le ministère alors que la question de la santé environnementale est devenue une préoccupation majeure », estime le Dr Taymans- Grassin.
Immobilisme des pouvoirs publics
L’auteure déplore ainsi dans son récit la frilosité des gouvernements à agir pour les politiques de santé environnementale. « On sait maintenant qu’il y a des liens entre pesticides et de nombreuses maladies. Les politiques se montrent frileux face à ce problème parce que cela induit des conséquences économiques et que c’est tout un changement de société qu’il faut initier », analyse-t-elle à la fin de son livre. La généraliste émet l’hypothèse d’un lien avec les pesticides dont le vecteur serait l’eau. Pour une meilleure surveillance, elle plaide pour la création d’un registre national des malformations, idée qui avait été balayée par le comité d’experts. « C’est parce que l’on refuse de savoir que l’on n’observe pas », conclut-elle, amère.
* D’étranges coïncidences, éditions du Cherche Midi, collection « Documents », 18 €, 216 pages.
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