La lassitude grandit chez les médecins généralistes. Difficultés à avoir les doses commandées, à convaincre les patients, à suivre les directives changeantes du ministère… La campagne de vaccination ressemble de plus en plus à un parcours du combattant pour les médecins de ville, pourtant plein de bonnes volontés. Le Dr Philippe Boutin, généraliste à Poitiers (Haute Aquitaine), s'en fait écho pour Le Généraliste et explique le manque de considération ressenti par les libéraux, de plus en plus tentés de lâcher la seringue.
Dans un récent tweet, vous partagez votre lassitude… Avez-vous arrêté de vacciner ?
Dr Philippe Boutin : Le problème ne se pose pas puisque je n’ai plus de doses depuis quinze jours. J’ai une promesse de Janssen pour la fin de semaine prochaine, mais compte tenu des derniers événements, je ne sais pas si elle sera honorée. Si je ne vaccine pas, ce n’est pas parce que j’ai la volonté d’arrêter, mais parce que je ne peux pas, de facto ! L’angoisse que j’ai, c’est de ne pas avoir la possibilité d’administrer la deuxième dose. Pour sortir de ces bazars problématiques, nous avons donc acheté un congélateur à moins quinze et moins vingt degrés pour accueillir le vaccin de Moderna dans ma maison de santé. Ça commence à bien faire !
Au-delà des problèmes de livraison, sentez-vous une défiance à l’égard d’AstraZeneca dans votre patientèle ?
Dr P.B. : On arrive quand même à vacciner. Des patients me disent « on préférerait le Johnson & Johnson », mais je suis sûr qu’on aura exactement le même problème avec la suspension aux États-Unis du vaccin. Vu la tournure des événements, les pouvoirs publics vont devoir faire passer les ARNm en ville et réduire la proportion d’AstraZeneca dans la vaccination.
Et vous, doutez-vous de la fiabilité du vaccin AstraZeneca ?
Dr P.B. : Mon seul doute est par rapport à son efficacité sur les variants sud-africain et brésilien. Jusqu’à présent, l’avantage était que ces variants n’étaient pas présents sur le territoire, ou seulement dans des zones précises, comme en Moselle. La justification de l’emploi d’AstraZeneca était une vaccination rapide pour faire barrière au virus… Mais force est de constater que nous n’avons pas été assez réactifs. Et plus on perd de temps sur la vaccination immédiate, plus on donne la possibilité aux variants de se développer. AstraZeneca est moins pertinent sur un schéma de douze semaines entre les deux injections. Par ailleurs, je n’ai pas peur des thromboses, j’ai d’ailleurs vacciné des membres de ma famille avec ce vaccin.
Comment expliquez-vous cette défiance ? Est-ce la faute du gouvernement ?
Dr P.B. : L’art est difficile. La communication est responsable d’une partie du problème. Le gag, c’est la DGS qui sort deux directives par semaine, qui ne vont pas dans le même sens. Alors, en tant que médecin généraliste, nous avons tout un travail d’adaptation pratique et de discours, ce qui, vous l’imaginez, est difficile ! Leur serait-il possible d’avoir un discours plus lisible ? Certainement, oui ; car c’est absurde ! J’ai des patients qui ont reçu une première dose d’AstraZeneca et qui ne veulent pas, à l’issue des douze semaines, en recevoir une deuxième. Alors, je leur explique que la deuxième dose a seulement pour but de faire perdurer l’effet du vaccin dans le temps, mais on en devient obligés d’être persuasif !
Vous sentez-vous déconsidéré par l’exécutif ?
Dr P.B. : On n’a pas de reconnaissance du travail effectué, alors qu'on tourne à plein régime. D'autant plus que le suivi médical du praticien est celui qui compte. Par exemple, une de mes patientes vaccinées, a fait un petit AVC transitoire. Le CHU n'avait pas fait le rapprochement avec sa vaccination. Sur nos conseils, des patients vont aussi aller se faire vacciner en pharmacie… Selon les dirigeants, nous ne sommes bons que pour appliquer les recommandations de la DGS et à être accusés… La communication est négative. Ça se terminera de la même façon que pour Alain Juppé en 1995 ; quand les médecins libéraux disent trente fois par jour aux patients que c’est n’importe quoi, la gestion de crise… Les politiques au pouvoir perdent les élections ! C’est une erreur monumentale… À chaque fois qu’Olivier Véran parle des réanimations, il devrait parler de la médecine libérale aussi.
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes