Décloisonner, en finir avec la logique de tuyaux d’orgue, sortir de la dualité ville/hôpital… Autant de vœux (souvent) pieux réunissant les acteurs et experts du secteur. À commencer par le ministre délégué à la Santé Frédéric Valletoux qui, lors d’une audition au Sénat le 21 mai, a affirmé qu’il n’y a pas de « grande loi santé » en préparation. Car, selon lui, les outils existent déjà et l’objectif – en tout cas affiché – est de « faire confiance aux acteurs et penser à des organisations territorialisées pour décloisonner le système de santé ».
De fait, nombre de nouveaux dispositifs appuyant cette logique d’amélioration des soins de proximité ont été déployés depuis le début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron : 831 communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) plus ou moins avancées (dont 555 ont déjà contractualisé avec l’Assurance-maladie), 70 services d’accès aux soins (SAS, 100 sont attendus d’ici à l’été), de nombreuses expérimentations dites « article 51 », des délégations et partages de tâches en cascade, une clarification du rôle des conseils territoriaux en santé (CTS)… Pourtant, professionnels de santé comme usagers déplorent, toujours, une dégradation de l’accès aux soins et, plus globalement, de la santé en France.
Les usagers se moquent d’être pris en charge en ville ou à l’hôpital, ce qu’ils veulent, c’est être accompagnés
Dr Pascal Gendry, président d’AvecSanté
Clarifier le « qui fait quoi »
Lors du dernier congrès SantExpo, la Fédération hospitalière de France (FHF) a invité plusieurs personnalités à débattre autour de cette thématique de « dualité » dans la santé. La députée du Loiret et rapporteure du dernier budget de la Sécu Stéphanie Rist (Renaissance), a pointé tous les antagonismes – nombreux – qui paralysent le système de santé : ville vs hôpital ; libéraux vs salariés ; Cnam vs syndicats, etc. qui, selon la rhumatologue, ont le mérite de « permettre quand même de discuter ».
Pour le Dr Pascal Gendry, président d’AvecSanté, qui représente les maisons de santé libérales, « il faut clarifier qui fait quoi ! » Selon lui, « les usagers se moquent d’être pris en charge en ville ou à l’hôpital, ce qu’ils veulent, c’est être accompagnés dans leur parcours de soins ». Il faut à son sens « développer une culture commune » entre professionnels de santé, ainsi qu’utiliser les structures comme les CPTS ou les équipes traitantes pour s’organiser avec l’hôpital et encourager le développement de l’activité mixte.
Faire évoluer les mentalités
De son côté, l’ancien ministre des Affaires sociales et de la Solidarité Claude Évin a déploré la complexité d’un système « qui s’est construit avec une séparation entre l’organisation des soins [incarné par le ministère, NDLR] et son financement », c’est-à-dire la Cnam et, dans une moindre mesure, les complémentaires santé. Face à la hausse des maladies chroniques et au vieillissement de la population, il faudra, a-t-il expliqué, travailler à l’échelle territoriale et surtout autrement pour répondre aux besoins de la population. Et, a-t-il taclé, « qu’il y ait une évolution dans les têtes de ceux qui pensent qu’ils sont mieux que l’autre partenaire… »
Une idée partagée par Dominique Libault. Le président du Haut conseil au financement de la protection sociale (HCFiPS) a constaté que « la formation des soignants n’est pas centrée sur comment travailler avec les autres ». Selon lui, il faut bien « partir de la personne et de son parcours pour construire un système de santé ». Et, si dans le discours, des ouvertures existent, dans les faits, ce n’est pas le cas. En ce sens, il regrette – comme beaucoup d’autres acteurs – qu’il n’y ait pas de vision pluriannuelle du système de santé. Et surtout, le financement qui va avec.
Acte, activité, forfait, salariat : les différents financements renforceraient-ils le cloisonnement ?
Tout n’est pas noir pour autant, et quelques initiatives intéressantes voient petit à petit le jour. La Fédération nationale des centres de santé (FNCS, gestionnaires) et la FHF ont signé une convention de partenariat visant à valoriser les coopérations entre hôpitaux publics et centres et le déploiement d’actions de prévention conjointes. Cette recommandation de la Cour des comptes dans son rapport de mai 2024 sur l’organisation du système de santé est déjà bien développée par l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM).
Acte, activité, forfait, salariat : les différentes modalités de financement renforceraient-elles le cloisonnement ? Les Dr Stéphanie Rist et Pascal Gendry le croient et appellent à un statut mixte… mais, et c’est toute l’ironie de la chose, l’un à l’hôpital, l’autre en ville. Frédéric Valletoux, lui, espère que le G à 30 euros et la batterie de mesures conventionnelles proposés par la Cnam aux syndicats de médecins libéraux contribueront à briser les silos. Pas si sûr, lui répondent les plus cyniques, pour qui tout est toujours, non une question de volonté, mais bien une question d’euros.
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