C’est comme l’année dernière mais avec un tour de vis supplémentaire. L’Assurance-maladie publie courant juillet son traditionnel rapport dit « Charges et produits », somme de 400 pages qui contient un état des lieux des travaux et stratégies de la Caisse mais aussi et surtout ses propositions pour maîtriser les dépenses de santé pour l’année qui suit. Recommandations qui ont vocation à être reprises – tout ou partie – dans le budget de la Sécurité sociale (PLFSS), discuté chaque automne au Parlement.
Pour 2025, le directeur général Thomas Fatôme et ses équipes ont concocté un paquet d’économies de 1,56 milliard d’euros (versus 1,3 milliard d’euros l’an passé). Dans les grandes lignes, la stratégie de la Caisse pour tenter de combler son déficit reste inchangée : lutte contre la fraude, régulation des indemnités journalières (IJ), prise en charge optimisée des pathologies chroniques (maladies cardiovasculaires, diabète, santé mentale), efforts de pertinence sur les médicaments, etc. La Cnam compte aussi s’appuyer sur les décisions structurantes prises dans le cadre de la nouvelle convention médicale, signée à la mi-juin avec les syndicats de médecins libéraux après deux ans de travaux et de négociations.
Dans le détail, on perçoit cette année une volonté de la Cnam de sécuriser tous ces postes d’économies, au regard du contexte politique mouvant, de la remontée des taux d’intérêt (qui alourdissent la barque de la dette) et des contraintes budgétaires qui pèsent de plus en plus sur les comptes.
En 2023, le déficit de la branche maladie atteignait 10,8 milliards d’euros. En 2024, rebelote à 11,4 milliards d’euros de manque à gagner. Si la Sécu est sortie des déficits les plus abyssaux du temps du Covid, elle s’inscrit dans une trajectoire de comptes systématiquement dans le rouge, autour de 10 milliards d’euros. Une perspective qui justifie à ses yeux des efforts supplémentaires.
Sur les 1,56 milliard d’euros (voir tableau détaillé ci-dessous), l’effort principal se concentre comme souvent sur l’amélioration de l’efficience et de la pertinence des soins (1,06 milliard d’euros), devant les contrôles et la lutte contre les fraudes et les abus (420 millions d’euros). Quelque 80 millions d’euros sont attendus d’une meilleure prise en charge des pathologies chroniques et de la prise en charge populationnelle.
La Cnam espère dégager 425 millions d’euros sur le médicament
Comme en 2024, le bon usage du médicament est une priorité de la Caisse, mais la douloureuse l’est particulièrement : 425 millions d’euros d’économies sont attendus, contre 85 millions en 2024. La Cnam espère en particulier atteindre un taux de pénétration de 80 % des biosimilaires (grâce à l’élargissement du répertoire et les possibilités de substitution par les pharmaciens) pour dégager 90 millions d’économies. Elle s’appuie aussi sur le développement de l’usage des médicaments hybrides et sur l’amélioration du recours aux médicaments les plus courants (antibiotiques, antidiabétiques, antalgiques, benzodiazépines, IPP).
Toujours au chapitre du médicament, 2025 marque aussi la volonté affichée de mieux respecter l’ordonnancier bizone, trop souvent utilisé comme un outil de prescription sur du 100 % remboursé… qui n’a pas lieu d’être. La Cnam propose aussi de réclamer aux industriels une contribution de 150 millions d’euros sur la distribution, en lien avec la hausse des remises (dans le cadre de la négociation du prix des molécules), ce qui entraîne une différence entre le prix affiché publiquement et le prix payé par l’Assurance-maladie.
Des efforts sont également réclamés à hauteur de 205 millions d’euros sur les IJ (soit 5 millions de plus qu’en 2024). La Cnam veut ralentir l’évolution du nombre de jours d’arrêts de travail indemnisés de 2 % par an, conformément aux engagements pris avec les partenaires conventionnels. Les bons résultats des dispositifs de contrôle de mise sous objectifs et mise sous accord préalable des médecins (150 millions en 2023) la confortent dans cette stratégie. En parallèle, l’Assurance-maladie va déployer au début de l’année prochaine un nouveau programme intitulé SOS IJ. L’objectif est d’aider les médecins à mieux gérer les renouvellements d’IJ autant que la pression de certains patients trop demandeurs d’arrêts de travail.
Radiologues et biologistes toujours sous pression
Sans surprise, des économies sont également espérées sur les actes médicaux, mais elles sont trois fois plus importantes qu’en 2024 (150 millions vs 45 millions). Les actes d’imagerie redondants voire inutiles sont ciblés. Les radiologues vont entamer à cet effet des discussions avec l’Assurance-maladie pour redéfinir un nouveau protocole d’accord.
La clé de répartition diffère sur la biologie, plus en retrait (avec 100 millions d’économies vs 155 l’an passé). Très discutée au printemps, l’idée d’un gisement d’économies sous-exploité au niveau des transports sanitaires refait surface. Une meilleure régulation et une plus grande utilisation du covoiturage pourraient générer 110 millions d’euros (vs 85 millions en 2024), anticipe la Cnam.
Un demi-milliard sur les fraudes
Sur les fraudes, les attentes de la Caisse ne changent guère d’une année sur l’autre (420 millions vs 345 en 2024). Mais la méthode n’est pas la même. Pour cornériser les fraudeurs, la Cnam finalise le recrutement de 60 cyber-enquêteurs dédiés à cette tâche. Dans la même veine, la Caisse a décidé de déployer des formulaires Cerfa d’arrêts de travail infalsifiables, qui seront obligatoires à compter de juin 2025. Les centres de santé continueront à être contrôlés de manière intensive, de même que les centres de radiologie et d’orthodontie, que la Cnam a placés sous surveillance.
Côté officines, il faudra être en mesure de justifier le non-recours à la carte Vitale lorsque c’est le cas. Car trop de nomadisme signifie trop de fraudes, constate la Cnam. D’ailleurs, les pharmaciens devront composer avec une intelligence artificielle, qui sera chargée de détecter les fausses ordonnances.
80 millions attendus sur les pathologies chroniques
Enfin, la Caisse espère dégager 80 millions en améliorant les parcours de soins des patients souffrant de maladies cardiovasculaires, de diabète, et de pathologies liées à la santé mentale. Elle prévoit de réduire les hospitalisations potentiellement évitables de 30 % sur quatre ans. Les maladies chroniques représentent 59 % des 250 milliards de dépenses de santé par an.
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