Les femmes médecins présentent un risque de suicide 76 % fois plus élevé que la population générale. C’est ce que suggère une méta-analyse élaborée à partir d’études* d’une vingtaine de pays – mais pas la France – et publiée dans le British Medical Journal (BMJ), fin août. « Chez les médecins de sexe féminin, le taux de suicide est significativement plus élevé (1,76) » par rapport au reste de la population, lit-on. Une étude australienne mentionnée dans le cadre de cette étude constate également une augmentation substantielle du risque de suicide chez les femmes médecins, qui a doublé entre 2001 et 2017.
Bien qu'ils n'apportent pas d’explication certaine sur la prévalence des suicides chez les femmes médecins, les chercheurs estiment que la féminisation qui a progressé dans ce milieu historiquement masculin pourrait être un facteur explicatif. « Les niveaux de soutien sont plus élevés dans les professions mixtes que dans les professions à prédominance masculine », contextualisent-ils.
L’impact de la pandémie de Covid-19
En revanche, l'enquête indique que le taux de suicide des praticiens de sexe masculin n'est significativement pas plus élevé que le reste de la population générale. Ces derniers présentent toutefois un risque suicidaire plus élevé que d'autres professionnels de statut socio-économique similaire, tels que les universitaires, les autres professionnels de santé ou les membres de « classes sociales supérieures ». « Le taux de suicide chez les médecins de sexe masculin par rapport à d’autres professions similaires est de 1,81 », est-il notifié.
La prévalence du suicide au sein de la profession médicale n'est pas un phénomène nouveau et s'explique par de multiples facteurs, tels que la pression des études, le rythme et la charge de travail ou l’exposition aux idées suicidaires. « Les résultats suggèrent des niveaux plus élevés d’idées suicidaires chez les médecins par rapport à la population générale », lit-on. L’étude confirme que la pandémie de Covid-19 a mis particulièrement à rude épreuve la santé mentale des médecins, exacerbant des facteurs de risque de suicide comme la dépression et la toxicomanie.
Toutefois, précisent les auteurs, une « hétérogénéité considérable » dans le risque du suicide s’observe au sein des différentes populations de médecins selon les régions du monde, les systèmes de santé et de formation ainsi que les environnements de travail. Ainsi, le taux de suicide des médecins de sexe masculin résidant en Asie et Océanie est plus faible qu’en Europe et aux États-Unis.
Embellie
Autre enseignement : contre toute attente, le taux de suicide dans la profession médicale a plutôt diminué au fil du temps (sur plusieurs décennies) avec, là encore, des écarts selon les régions et le sexe. « En comparant les études les plus récentes avec les plus anciennes, les auteurs ont constaté que, pour les médecins hommes, l'estimation moyenne a diminué significativement (…) passant de 1,17 dans les études plus anciennes à 0,78 dans les études récentes. Pour les femmes médecins, l'estimation [du taux de suicide] a augmenté dans les études plus anciennes à 2,21, mais a ensuite diminué dans les études récentes à 1,24 ».
Cette embellie relative pourrait s’expliquer par « les efforts généraux » réalisés ces dernières années pour soutenir la santé mentale des médecins. Mais ces efforts de prévention restent insuffisants et des initiatives en faveur de la santé mentale des praticiens doivent être mises en œuvre « au niveau individuel et organisationnel » par les pouvoirs publics, plaident les auteurs. « Des progrès continus (…) pour le bien-être mental des médecins sont essentiels afin de favoriser des environnements favorables, lutter contre la discrimination fondée sur le sexe et intégrer la sensibilisation à la santé mentale dans la formation médicale », peut-on lire.
*Les auteurs ont analysé 39 études issues d’une vingtaine de pays (38 pour les médecins de sexe masculin et 26 pour les médecins de sexe féminin). Avec un total de 3 303 suicides chez les médecins de sexe masculin et 587 chez les médecins de sexe féminin (sur une période allant de 1935 à 2024). À noter l'absence de la France sur la liste des pays ayant fourni des données pour cette méta-analyse.
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