C’est fait ! Votée à l'unanimité en première lecture jeudi 19 janvier, la proposition de loi de la députée Renaissance Stéphanie Rist donne un accès direct aux professions paramédicales (infirmiers de pratique avancée, kinésithérapeutes et orthophonistes).
Si ce texte « redit que le médecin généraliste est au centre du parcours », il permet « qu'il ne soit pas le premier vu en consultation, mais peut-être le deuxième », a expliqué la rapporteure de la loi. Ce n'est « pas une fin en soi mais la première marche de la refondation de notre système de santé », a souligné le ministre de la Santé François Braun dans l'Hémicycle. Ce qui n'est pas du goût des principaux intéressés.
Les syndicats se retirent des négos !
Réaction immédiate : l’ensemble des syndicats libéraux représentatifs (Avenir Spé-Le Boc, CSMF, FMF, MG France, SML, UFML-S) ont annoncé dans un communiqué suspendre leur participation aux négociations conventionnelles en cours. Selon eux, elles seraient « mises sous tutelle de plusieurs textes législatifs », dont la loi de financement pour la Sécurité sociale 2023 et… la proposition de loi Rist tout juste adoptée.
Joint par Le Généraliste, le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML-S, confie que les syndicats devraient revenir à la table des négociations à l’occasion de la prochaine réunion multilatérale le 1er février. Ils attendent « un signal favorable et fort du Gouvernement » et boycotteront donc les groupes de travail organisés d'ici là par l'Assurance maladie.
Élargir les missions des IPA
La proposition de loi vise notamment à élargir les missions des infirmiers en pratique avancée (IPA), qui seraient désormais autorisés à faire certaines prescriptions de soins et médicaments. Les patients pourraient se rendre chez ces soignants sans passer par un médecin, mais toujours dans le cadre d'un « exercice coordonné » avec ce dernier. L'Assemblée a aussi adopté un amendement du gouvernement pour autoriser l'ensemble des infirmiers à prendre en charge les plaies, en coordination avec un médecin, après une formation dédiée.
La proposition de loi permet également un accès direct aux kinésithérapeutes et orthophonistes exerçant dans des établissements de santé. Contre l'avis du gouvernement, l'Assemblée a adopté un amendement de Thibault Bazin (LR) pour que la mesure s'applique à dix séances de kiné plutôt que cinq. Les députés ont aussi soutenu une proposition du macroniste Karl Olive pour leur permettre de prescrire une activité physique adaptée (APA), notamment aux patients atteints d'une affection de longue durée.
Les pharmaciens pourront renouveler les ordonnances pour une plus longue durée
Dans la même logique, le texte renforce les prérogatives des assistants dentaires, avec un nouveau statut d'assistant en médecine bucco-dentaire. Les pédicures podologues pourront prescrire des orthèses plantaires, et les opticiens adapter une prescription des ophtalmologues.
Le pharmacien pourra renouveler les traitements chroniques pour une durée maximale de trois mois, lorsque le médecin prescripteur n'est pas disponible. Et les députés ont voté une expérimentation dans cinq départements autorisant des pharmaciens biologistes médicaux à dépister le cancer du col de l'utérus.
Valoriser les assistants de régulation médicale
Enfin, le gouvernement veut reconnaître comme profession de santé les assistants de régulation médicale, qui traitent les appels urgents. « Nous avons besoin de l'ensemble des professionnels de santé » pour répondre à « la permanence des soins », a insisté François Braun.
Contre les déserts médicaux, il a fait adopter un amendement pour « l'engagement territorial » des médecins, en confiant aux « partenaires conventionnels le soin de mieux reconnaître » ceux qui « s'investissent » en ce sens.
Le texte sera examiné par le Sénat le 14 février.
Une médecine à deux vitesses
Ce texte a été accueilli favorablement, malgré des réserves chez LR, notamment de Yannick Neuder, qui regrette des « rustines », susceptibles de « diviser les professions ». En s'abstenant, le député Christophe Bentz (RN) a déploré l'« ubérisation » du système de santé et la « médecine à deux vitesses ». Ces deux partis se sont d'ailleurs abstenus lors du vote de la PPL.
Des organisations de médecins sont vent debout. C'est « dangereux et inadapté », avec le risque de « professionnels de santé interchangeables sans une quelconque prise en compte de la qualité des soins », estime MG France. Le collectif Médecins pour demain a lui écrit aux élus et préfets pour s'émouvoir que « des actes médicaux soient réalisés par des professionnels non-médecins ».
Vers des lois coercitives ?
L'accès aux soins constitue un défi majeur pour la classe politique, alors que six millions de Français n'ont pas de médecin traitant. Et des députés mettent la pression. Dans la majorité, le groupe Horizons réclame des règles plus strictes pour l'installation des médecins dans des zones déjà pourvues.
De son côté, le socialiste Guillaume Garot a coordonné un groupe de travail transpartisan. Sa proposition de loi, signée par 150 députés de différents groupes, voudrait flécher médecins libéraux et chirurgiens-dentistes vers les déserts médicaux.
(Avec AFP)
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