Chaque faculté de médecine devrait avoir un « département de philosophie et pédagogie de la santé » dirigé par un philosophe de profession, considère l’Académie nationale de médecine. Ceci, pour « créer un véritable accompagnement culturel des étudiants, tout au long de leur cursus, dans le but ultime d’améliorer la relation médecin-patient et, partant, de restituer la dimension humaine du soin ».
L’institution publie ce 10 février 2025 un rapport intitulé « la culture générale, pilier d’une médecine humaniste », inspiré de plus d’une trentaine d’auditions, notamment de professeurs de philosophie. Le constat de départ est sombre (et guère nuancé) : « la culture générale de base est en déclin », cause et/ou conséquence, la lecture est en chute libre, en partie sous l’essor du numérique, qui enterre le temps long (au profit de l’immédiateté et l’impulsivité) et la présence réelle.
Quel lien avec la médecine ? Sous les effets conjugués des progrès techniques, d’un enseignement trop centré sur les matières scientifiques, de la diminution du temps médical à cause des contraintes économico-administratives, ou encore de la pression du numérique, « la perte de la présence effective est la cause principale de la déshumanisation de la médecine, dans la relation singulière médecin-patient », lit-on. Selon le rapport, le patient attend du médecin, au-delà du savoir et des compétences, un comportement, une attention, un engagement vital, qui puissent rompre la solitude et ouvrir sur un lien d’empathie. Loin de n’être qu’une émotion, l’empathie est une capacité, qui consiste à se mettre à la place d’un autre et qui se travaille.
La culture générale pour développer l’empathie
Et c’est là qu’intervient la culture générale, comme moyen de développer cette empathie et rendre ainsi la médecine plus humaine. Comment la développer, alors qu’elle relève davantage de l’environnement familial et scolaire, selon l’Académie ? Les réponses doivent être multiples et la rue Bonaparte propose des pistes concrètes pour développer trois formes d’intelligence, analytique, émotionnelle et pratique.
Pour la première, il convient d’enseigner l’histoire des idées et techniques médicales, dans le cadre des sciences humaines et sociales (SHS), ainsi que la philosophie, qui invite à penser la médecine et la technique. Et le rapport de citer des auteurs comme Simondon, Canguilhem, Heidegger, Bernard, Foucault ou Stiegler. Il encourage ensuite la fréquentation d’œuvres d’art, dans le domaine de la littérature, la peinture, du cinéma – citant notamment l’initiative de la philosophe Céline Lefève à Paris, ou du théâtre pour exercer l’intelligence émotionnelle. Sans oublier la médecine narrative. Les mythes, notamment ceux de la Grèce antique, peuvent ainsi nourrir les questions éthiques contemporaines, suggère l’Académie. « Fréquenter assidûment les œuvres d'art qui se donnent à lire, à voir ou à entendre développe l'observation attentive, le sentiment esthétique, la sensibilité et l'interprétation contextuelle, de façon à fusionner en un ensemble harmonieux émotion et réflexion analytique », lit-on. « Pour le futur médecin, la lecture facilite la réflexion sur la présence effective et favorise la compréhension de l'empathie dans la relation de soins. »
Si l’Académie reconnaît l’existence d’initiatives locales, elle suggère de mettre en place ce corpus culturel commun dès la deuxième année de médecine et de le poursuivre jusqu’à la fin du 3e cycle des études. Et qu’en plus des bancs de l’université, il prenne vie à l’hôpital sous la forme du compagnonnage ou du tutorat, « qu’il faut nécessairement redéfinir », plus comme un accompagnement culturel qu’un enseignement traditionnel, en concertation avec les doyens de médecine.
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes