Les nouvelles technologies liées à l’intelligence artificielle, qui s’adressaient jusque-là plutôt aux professionnels de santé, sont en train d’arriver pour le grand public, a cadré le Pr Jean-Emmanuel Bibault, cancérologue et chercheur spécialisé en IA, lors du récent salon de l’innovation MedinTechs, qui s’est tenu à Paris.
Parmi ces nouveaux outils amenés à prendre de l’ampleur, d’abord aux États-Unis, ceux qui relèvent de l’automédication sont particulièrement prometteurs, selon les experts. Alors que les patients américains doivent payer plusieurs centaines de dollars pour être admis dans un service d’urgences, beaucoup préféreront payer des services d’IA pour prendre en charge les consultations de bobologie, qui représentent jusqu’à 80 % des entrées aux urgences. Les Chinois sont aussi très mobilisés pour développer ce type d’applications. Or, ce marché « gigantesque », selon le Pr Bibault, ne peut pas être régulé, d’où sa crainte que la captation de valeur soit assurée par les Américains, déjà très en avance. « Nous allons revivre avec l’IA médicale ce que nous avons vécu avec Google et les autres Gafam. Et la volonté de régulation européenne va tuer l’IA médicale. »
Compte rendu médical structuré, « Google médical »
Déjà, des start-up prometteuses françaises s’installent aux États-Unis pour y être commercialisées plus rapidement. Exemple avec Nabla Copilot, une IA capable de générer automatiquement un compte rendu médical structuré dans le cadre d’un colloque singulier médecin patient. Cette société est déjà implantée dans plusieurs établissements de santé américains du réseau de soins intégrés Kaiser Permanente.
Ce constat du retard français est dressé aussi par le Dr Grégoire Pigné, oncologue radiothérapeute et cofondateur de PulseLife (ex 360 medics), une start-up qui ambitionne de simplifier la mise à jour des connaissances médicales, grâce à un moteur de recherche et un outil d’IA d’aide à la décision libérant du temps médical.
Jumeau numérique en oncologie
Certains résultats sont déjà prometteurs. Le Pr Fabrice Denis, oncologue au Mans, pionnier de la télésurveillance en cancérologie, cite Novadiscovery, société qui a développé un jumeau numérique dans le cancer du poumon. Afin d’éviter des études randomisées, longues et coûteuses, ce projet simule avec succès des essais cliniques in silico. « Cela permet de faire gagner des mois d’études cliniques et surtout de diminuer fortement le nombre de patients dans un bras contrôle », explique le cancérologue.
Il va falloir adopter de nouvelles lunettes et changer d’approche
Emmanuelle Kuhnmunch, Medtronic
Preuve que le potentiel énorme de l’intelligence artificielle est aussi identifié dans l’Hexagone, le géant américain du numérique en santé, Medtronic, a développé un centre d’excellence en IA, une plateforme d’innovation et un centre de recherche dans le domaine du renforcement tissulaire implantable à Trévoux (Ain). Selon la directrice des affaires publiques de cette société, Emmanuelle Kuhnmunch, « il va falloir adopter de nouvelles lunettes et changer d’approche ». De fait, l’IA intervient déjà dans de nombreuses prises en charge. Elle permet de mesurer en continu la glycémie du patient dans une boucle semi-fermée pour le diabète de type 1. Autre champ : assister le médecin dans le diagnostic du cancer colorectal durant l’examen par coloscopie. « C’est comme une deuxième paire d’yeux, mais qui ne remplace pas la décision médicale », explique Emmanuelle Kuhnmunch. L’IA est aussi associée à de la télésurveillance pour suivre des patients ayant eu un accident cardiovasculaire et qui portent un moniteur cardiaque implantable. Son objet est d’écarter les faux positifs, un gain de temps pour les infirmières qui effectuent ce suivi.
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