Sylvain François, directeur des SI du CH de Versailles

Hôpital, des économies douées de raisons

Publié le 24/03/2016
Depuis plusieurs années déjà, les établissements de santé sont entrés en mode contraint, situation budgétaire oblige. Devant une dette abyssale (supérieure à 33 milliards d’euros) et un déficit d’exploitation toujours présent (435 millions d’euros). La nécessité de limiter les dépenses, quel que soit le domaine d’activité, est devenue la règle. À cet égard, la réalisation d’économies, au sein des établissements de santé comme dans toute entreprise, ne peut être accessible par la simple coupe budgétaire décidée « hors-sol », mais peut être obtenue par des méthodes d’analyse fine, appelant le bon sens, quelques compétences et de la pugnacité.

Les systèmes d’information n’échappent pas à la doxa de l’économie comptable de ressources, s’agissant notamment des dépenses d’exploitation. Dans un pays ami, on prétend même que « l’administration, en faisant courir deux coureurs crédités chacun de 15’’ sur 100 mètres, a trouvé le moyen de battre le record du monde de la distance ». Economiser sur les systèmes d’information est une situation paradoxale, car les projets numériques se multiplient notamment pour aider à la rationalisation des organisations. Or, la mise en service de ces systèmes nécessite le maintien en conditions opérationnelles, telles que les maintenances évolutive et curative.

Sortir de la vision verticale

En premier lieu, il est primordial de fonctionner en coût complet, et sortir du paradigme du cloisonnement budgétaire par direction acheteuse. En considérant un projet comme une dépense globale pour la structure, et non comme la somme de plusieurs achats et prestations par spécialité, la solution la plus intéressante économiquement n’est pas nécessairement la même. Un cas d’école est par exemple la politique d’impression. On considère souvent l’économie générée comme la simple diminution des pages imprimées. Alors que la problématique est aussi liée à l’éparpillement des dispositifs générant de l’impression (imprimante mais aussi photocopieuse, fax) et leurs consommables, souvent gérés par des services acheteurs différents. Seule une prise en compte transversale du contexte en permet un traitement optimal, tel que la mise en place d’une gestion de copieurs multifonctions en location-maintenance rémunérée par un coût à la page. Ajoutons que le choix adéquat d’une police d’impression ad hoc, en l’occurrence Garamond, a permis aux hôpitaux américains d’économiser plus de 75 millions de dollars sur l’encre. "C’est bête comme chou" mais diablement efficace. A noter que si l’État français décidait d’utiliser cette police, 400 millions pourrait être épargnés.

Où il est question d’auditer le niveau d’utilisation des ressources

Il est bien entendu question de déterminer aussi le niveau d’usage des ressources mises à disposition des utilisateurs afin de pouvoir rationaliser les éléments logiciels et matériels peu ou non utilisés. Afin d’obtenir la photographie la plus fidèle des outils installés et leur niveau d’utilisation, il faut être en mesure de traiter les audits de conformité imposés par les éditeurs. Dans l’idéal, l’objectif est de maintenir son parc en conformité au regard des licences acquises notamment en contrôlant celles installées de manière superflue voire non contrôlée, et d’être, à défaut, en position plus forte dans les négociations avec les éditeurs en cas de régularisation. Cette activité est d’autant plus importante que les contrôles de conformité sont de plus en plus nombreux et chronophages en termes de suivi.

Cher code des marchés publics

En second lieu, il est important de rappeler que l’ensemble de la contractualisation des établissements publics est régie par le code des marchés publics. L’application des principes réglementaires le composant est souvent vécue comme une contrainte voire un frein à l’optimisation financière. Alors qu’il peut être utilisé à plusieurs occasions comme une aide. En effet, la partie rigide du code des marchés publics, concernant les seuils de passation et le niveau de formalisme associé, n’est qu’une vue partielle de son contenu concernant notamment les services informatiques, car ceux-ci n’ont que peu de connaissance ou de compréhension des outils qu’il propose. Cette remarque est notablement avérée pour les marchés liés à une notion d’exclusivité, tels que la maintenance applicative du fait d’une prestation rendue captive auprès de l’éditeur. Pour autant, la capacité à négocier existe, notamment dans le but d’intégrer des clauses permettant de préserver les intérêts de l’établissement. La détermination du périmètre de maintenance (intégration ou non de la maintenance évolutive), l’ajustement des niveaux de services en corrélation avec les besoins réels de l’institution ou encore la fixation de pénalités associées permettent à l’établissement de gagner financièrement en termes de coût de prestations, ou encore d’obtenir une compensation en cas de manquement contractuel.

De l’implication contractuelle

Le cas précis de la capacité « pénalitaire » des pouvoirs adjudicateurs est intéressant. En effet, il est à observer que les pénalités pour retard dans l’exécution d’un marché, ou encore pour des délais d’indisponibilité supérieurs à la normale sont trop peu souvent appliquées. Une mauvaise connaissance du contenu du contrat est à la base du problème, car les établissements se bornent souvent à reprendre intégralement les conditions générales fournies par le fournisseur, sans y prêter réellement attention car étant résignés à devoir les accepter. Afin d’aider à l’acculturation des équipes informatiques à la gestion contractuelle, une standardisation des contrats, notamment sur les niveaux de services et les clauses contractuelles régissant les conditions d’exécution et les pénalités est un atout majeur. De là à penser que l’on pourrait mettre en commun un corpus contractuel, il n’y a qu’un pas qu’il serait bien utile de mettre en œuvre.

Quelques outils intelligents

Les outils de gouvernance sont explicitement indispensables à une saine gestion opérationnelle et économique. Une sécurité maitrisée est non seulement une assurance préventive mais permettra surtout d’éviter bien des conflits, d’épargner du temps de haute valeur et la perte de données. La cartographie dynamique des usages numériques saura objectivement aider le management dans sa prise de décision. L’évitement des pertes de rendez-vous, la mise en place des processus plan blanc, la génération d’alertes intelligentes seront autant de sources d’efficacité pour que des ressources publiques soient utilisées au mieux pour les patients. Une direction des systèmes d’information ne peut désormais se contenter d’apporter qu’une valeur ajoutée en termes techniques ou méthodologiques en mode projet, mais également intégrer dans son fonctionnement des considérations stratégiques et de gestion. L’importance des systèmes d’information dans le fonctionnement rationnel des établissements de santé, et par voie de conséquence les budgets alloués par les tutelles – donc par les citoyens –, sont désormais tels qu’une professionnalisation de la fonction achats, dans toutes ses composantes, sur ce domaine est indispensable.

Série sous la direction de Jean-Pierre Blum.

Source : lequotidiendumedecin.fr