« L’heure est grave », a jugé François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l'Intérieur, lors de la remise du dernier rapport de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) sur la période 2022-2024. Les tendances sont « inquiétantes », avec des dérives sectaires « plus nombreuses, plus diffuses, plus précoces », a-t-il poursuivi.
En 2024, 4 571 signalements ou demandes d’informations ont été reçus, soit une hausse de 110 % par rapport à 2015 et de 50 % par rapport à 2020. La santé et le bien-être sont particulièrement concernés, arrivant pour la première fois en tête des dérives observées, souligne le rapport. Pendant la crise sanitaire, « l’expérience du confinement » a contribué à « aggraver la situation, singulièrement à l'égard des plus jeunes », qui représentent désormais 19 % des signalements, selon le ministre. Entre 2022 et 2024, 37 % des signalements et demandes d’informations portaient sur des dérives en santé et bien-être. Dans 80,6 % des cas, les dérives étaient le fait de non-professionnels de santé.
Des pratiques non conventionnelles au sein des hôpitaux
Les patients atteints de cancer sont une cible privilégiée des « charlatans et voyous de tout poil », selon les termes du ministre. Ils sont à l’origine de plus de la moitié des signalements concernant la santé. Ces patients sont particulièrement vulnérables lors de l’annonce de la maladie, en cas de rechute, lors de l’émergence d’un deuxième cancer ou en cas d’échec thérapeutique, relève le président de la Ligue contre le cancer, Philippe Bergerot.
La Miviludes s’inquiète également de la présence au sein même des hôpitaux des pratiques de soins non conventionnelles (PSNC) et déplore une « banalisation de leur recours, sans nécessairement de mises en garde ou d’encadrement médical », lit-on dans le rapport. Est aussi regrettée l’installation de centres « où peuvent se côtoyer professionnels de santé et intervenants en bien-être sans distinction franche et évidente pour l’usager ».
Perçues comme « douces », « complémentaires » voire « alternatives » et « finalement bénéfiques pour la santé », la grande majorité des PSNC « n'a pas été approuvée scientifiquement », rappelle la Miviludes. Ces pratiques se développent « de façon accélérée » au point qu’il « est courant de trouver des séances de Reiki, de magnétisme ou encore de “bol tibétain” dans les établissements publics de santé », est-il observé.
Le risque est que ces PSNC participent à éloigner certains patients des soins, voire à y renoncer. Et ce d’autant qu’un sondage Odoxa révèle que 16 % de la population générale aurait déjà renoncé à un traitement médical au profit d’une thérapie alternative (24 % chez les 25-34 ans).
La santé mentale, une préoccupation croissante
La santé mentale est par ailleurs l’objet de « préoccupations croissantes ». Ce marché « en pleine expansion » repose sur des praticiens ou des coachs « adeptes de pratiques psychothérapeutiques non maîtrisées, pouvant causer des dommages psychologiques graves, des hospitalisations et entraîner un éclatement des cellules familiales », est-il précisé.
Face aux risques spécifiques au domaine de la santé, la Miviludes a noué des partenariats avec les Ordres des professions de santé, portant notamment sur l’échange d’informations (nombre, nature et caractéristiques des situations à risque). Un partenariat avec la Ligue contre le cancer a également été renouvelé ce 8 avril, avec l’ambition de sécuriser les soins de support proposés aux patients. L’enjeu, explique Philippe Bergerot, est d’informer les malades des « dérives potentielles » et de les orienter vers des soins de support validés. Ce partenariat permet à la Miviludes de « s’adresser aux patients », ajoute son président, Serge Blisko. La convention prévoit également l’intégration dans les comités départementaux de la Ligue d’un « référent Miviludes ».
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