Montmorillon, Oloron-Sainte-Marie, Montaigu, Bailleul, Cavaillon, Laval, Orléans… Un peu partout sur le territoire les services hospitaliers, d’urgence en particulier, ferment de manière ponctuelle. Ce qui était auparavant un phénomène surtout estival est un train de devenir permanent, ce qui laisse envisager un été à risque. Des difficultés essentiellement liées à un manque de personnel : départ à la chaîne et problèmes de recrutement.
« En Haute-Garonne, la situation est catastrophique, avec 28 % des lits de chirurgie et 22 % des lits de médecine fermés, relate ainsi le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML-S et généraliste à Fronton. Ce sont des conditions que nous n’avons jamais connues auparavant, il n’y a plus d’intérimaires disponibles, les services ferment à tour de bras. »
Le Dr François Braun, président de Samu-Urgences de France, se dit aussi « très inquiet ». « La crise des urgences est majeure aujourd’hui, avant même que l’été ne commence. Et si cela continue, c’est tout l’hôpital qui va se casser la figure, et quelque part le système de santé. Ce serait dramatique », confie-t-il.
Contactée par Le Généraliste, la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) reconnaît ces dernières semaines « des tensions importantes » au sein de plusieurs établissements de santé dans les services d’urgences. « Des tensions sur les ressources humaines » génèrent aussi des difficultés sur l’aval des structures d’urgences. Côté solutions, la DGOS renvoie vers les différentes mesures déployées ces dernières années et mois : CPTS, création du service d’accès aux soins, revalorisations salariales, forfait de réorientation, etc.
Des effets sur la PDSA dans certains territoires
En Mayenne, les urgences de Laval sont régulièrement fermées la nuit ces derniers mois. Une situation qui a eu des répercussions sur la permanence des soins ambulatoires (PDSA), comme l’explique le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF et directeur médical de la PDS dans le département.
« Nous avons été obligés d’augmenter le front de garde des médecins libéraux. Il fallait du renfort en régulation, et ça complexifie également les gardes pour les effecteurs », explique-t-il. « On entend souvent dire que les services d’urgences sont embolisés parce que la médecine ambulatoire ne fait pas son travail, là on voit bien que c’est l’inverse : nous augmentons les ressources humaines pour suppléer les services d’urgences qui ferment », appuie-t-il.
Car, n’en déplaise à certains, la médecine de ville prend déjà sa part, pour répondre aux soins non programmés notamment. Et si l’hôpital déborde, c’est souvent parce que c’est également le cas en ville.
Le Dr Latifa Miqyass est généraliste à Bazoches-les-Gallerandes (Loiret) et à la tête de la CPTS Beauce-Gâtinais. Si la fermeture récente des urgences d’Orléans a fait beaucoup de bruit, la crise n’est pas nouvelle et pas seulement hospitalière dans ce département particulièrement touché par les problèmes de démographie médicale.
« Nous avons 30 000 patients sans médecin traitant sur un territoire de 80 000. Nous souffrons de la situation depuis de nombreuses années. Est-ce que les fermetures d’urgences ont aggravé notre charge de travail ? Pas plus que ça. Quand vous êtes déjà au fond de la piscine et qu’on vous rajoute un peu d’eau, vous ne vous en apercevez pas forcément », relate la généraliste. Elle explique notamment que deux de ses confrères libéraux ont changé de voie après des burn out récemment.
Et, dans son territoire, la médecine de ville est déjà organisée pour prendre en charge les soins non programmés. « Cela fait partie de la mission socle de la CPTS. Un patient doit être vu dans les 48 heures. Nous avons quatre heures de plage horaire réservée aux soins non programmés du lundi au vendredi. Tout le territoire est quadrillé », détaille-t-elle.
Des soins non programmés organisés hors SAS
Dans le 44 également, la médecine de ville répond aux soins non programmés. Une enquête a été menée récemment auprès des médecins et autres professionnels de santé du département. Les résultats pour les 215 médecins répondants montrent que 97 % d’entre eux prévoient des créneaux de soins non programmés quotidiennement. Et, pour 70 % d’entre eux, ils réservent plus de cinq créneaux par jour.
« 1 034 consultations de soins non programmés sont réalisées quotidiennement (par les répondants à l'enquête, ndlr). Si on extrapole sur l’ensemble des généralistes, cela fait 8 000 consultations quotidiennes », souligne le Dr Pascale Geffroy, généraliste à Orvault et vice-présidente de l’URPS-ML des Pays de la Loire.
« Il y a une organisation déjà efficiente, qui n’est peut-être pas lisible par les politiques mais les patients, eux, le savent bien. C’est un sujet dont on s’empare et encore plus avec la naissance des CPTS car cela fait partie des missions socles », souligne-t-elle.
Et que ce soit dans le Loiret ou en Loire-Atlantique, cette organisation se fait hors SAS (service d'accès aux soins). Si le 44 fait bien partie des territoires de l’expérimentation, le SAS n’y est pas encore opérationnel. « En pratique, la plateforme numérique prévue à cet effet ou le recrutement des effecteurs ne sont pas opérationnels. L’expérimentation n’est pas bien accueillie car nous avons l’impression que cela s’est fait sans nous et sans tenir compte de l’organisation en CPTS », observe le Dr Pascale Geffroy.
« Une initiative des généralistes à destination des généralistes », c’est aussi la clé de la réussite de la prise en charge des soins non programmés dans le Loiret, appuie le Dr Miqyass.
Et, en effet, si la mise en place des services d’accès aux soins est l’urgence pour le Dr Duquesnel, elle ne peut pas se faire avec le cadre actuel. « On s’aperçoit que hors des expérimentations, les soins non programmés sont mis en place mais les médecins n’utilisent pas la plateforme, la rémunération se fait hors conditions de l'avenant 9 pour les effecteurs. ». « Le SAS ne va pas tout résoudre mais, aujourd’hui, c’est un échec quasi complet par manque d’effecteur », ajoute-t-il.
Le casse-tête de l'hospitalisation
Mais, au-delà de la prise en charge des urgences, le problème est celui de l’hospitalisation des patients.
« Le problème n’est pas l’afflux des patients, mais ceux qui doivent être hospitalisés et restent aux urgences car il y a un manque cruel de lits d’aval », relate le Dr Miqyass. Et la difficulté pour la médecine de ville est de pouvoir faire hospitaliser en direct dans les hôpitaux sans passer par les urgences.
« Malheureusement, les urgences sont utilisées comme une porte d’entrée de l’hôpital, nous n’arrivons pas à avoir d’accès direct alors même que le diagnostic a été fait en ville », explique le Dr Geffroy.
Pour le Dr Miqyass, l’expérience est la même et quasi quotidienne. « On fait le diagnostic en ville avec nos confrères spécialistes, les examens, les bilans nécessaires, etc. et quand j’appelle le chirurgien de garde ou autre pour faire hospitaliser mon patient, on me répond : "Tu le fais passer par les urgences, pourquoi ? Tout a déjà été géré en ville." ».
Depuis des années, la généraliste fait remonter ce problème lors des discussions avec les établissements. Ironiquement, la crise actuelle a presque eu un effet bénéfique, pour la première fois en dix ans. « La semaine dernière, comme les urgences ne fonctionnent pas, quand j’ai appelé, on m’a admis mon patient directement. »
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