Richard Liscia est décédé jeudi dernier entouré des siens, annonce sa famille, emporté à 89 ans par un emphysème pulmonaire lié au tabagisme. Depuis septembre 1987, alors directeur de nos rédactions, puis à partir de 2007 et jusqu’à la semaine dernière chroniqueur aux commandes de son blog, il aura consacré la majeure partie de son parcours au Quotidien du Médecin.
Jour après jour, trente-six années durant. « Il fallait tous les jours que la surprise nous sortît du scepticisme et nous devions être en quelque sorte des journalistes qui s’abandonnent à la passion de révéler », a-t-il écrit à propos de son ami Philippe Tesson, décédé il y a près d’un an. Ces mots s’appliquent exactement à lui, l’inlassable et subtil analyste de l’actualité.
Un homme de plume talentueux, capable de rédiger son éditorial d’un seul trait
Pierre Assouline
Né à Tunis en 1935, après des études de lettres, de droit et aussi de pharmacie, il a collaboré à la Presse de Tunis puis fut de 1955 à 1960 le correspondant de Paris-Presse aux États-Unis, sous le pseudonyme de François Latour. À Paris, c’est au journal Combat qu’il a fait la connaissance d’un jeune rédacteur en chef, en la personne de Philippe Tesson. Il l’accompagna au Quotidien de Paris, de 1974 à 1978, dirigeant une rédaction tumultueuse où se côtoyaient tous les talents. « Richard était notre chef de gare, se souvient l’un d’eux, le journaliste et écrivain Pierre Assouline. Sans lui, l’implacable homme de confiance, il n’y aurait pas eu de journal possible, Tesson n’aurait pas pu être Tesson, il n’y aurait pas eu de Quotidien », assure l’académicien Goncourt, qui salue aussi « un homme de plume talentueux, capable de rédiger son éditorial d’un seul trait, qu’il s’agisse de décrire les arcanes de la politique étrangère, ou de démonter les intrigues et les enjeux franco-français. »
« Un journaliste de haut vol », nous dira Philippe Tesson lui-même, en évoquant leur histoire partagée et l'épisode célèbre d'avril 1975 : en pleine révolution des œillets au Portugal, alors que les membres de l'extrême-gauche communiste et des socialistes libéraux s'affrontaient à balles réelles, Richard Liscia parvint à rejoindre la rédaction de La Reppublica, journal interdit par les putschistes ; face à des militaires en armes, au péril de sa vie, il fit paraître le journal dans les colonnes du Quotidien de Paris, libérant une onde démocratique entre Lisbonne et Paris et suscitant un retentissement considérable. Alors, le chef de gare fit l'histoire.
Successeur du Dr Marie-Claude Tesson-Millet et de Philippe Tesson à la tête du groupe SESC (société qui éditait le Quotidien du médecin et le Quotidien du pharmacien), le Dr Gérard Kouchner confirme : « Par son ouverture d’esprit sur tous les sujets comme par le regard scrupuleux qu’il portait à chaque article du journal dont aucun n’échappait à son perfectionnisme extrême, Richard Liscia ne laissait rien d’inachevé, dans la forme comme dans le fond. Homme de plume et de caractère, il n’a vécu que pour faire des journaux. »
Journaliste et aussi romancier
Son « haut vol », Richard Liscia l’aura aussi effectué en dirigeant l’hebdomadaire VSD, France-Soir, alors premier tirage de la presse nationale, le Matin de Paris, où François Mitterrand suggéra de faire appel à lui, aux côtés de Max Gallo.
Dans le registre culturel, il édita encore Les Nouvelles littéraires, ayant développé ses propres talents de romancier avec « Le Conscrit et le général » (1980) et « Rachel et Raphaël » (1983), deux livres remarqués par la critique (1). Mais le journaliste ne laissera pas le temps au romancier de poursuivre son œuvre littéraire, pas plus qu’il ne lui permettra de raconter son histoire, professionnelle ou personnelle, foncièrement mobilisé qu’il était dans l’actualité du quotidien.
Foncièrement, mais non point totalement : ses romans dévoilent sous des dehors pudiques un tempérament de feu, un homme ardent que révoltent les injustices, jamais las de les dénoncer et en même temps toujours avide d’amitiés. Les journalistes de ses rédactions n’oublieront pas l’autorité qu’il exerça sans partage, avec une noblesse de cœur.
Il avait choisi d’illustrer son blog par la photo d’une longue allée bordée d’arbres aux sombres frondaisons ; tout au bout, une silhouette disparaît dans le lointain de la nuit qui tombe. Ses derniers mots de journaliste, écrits le 9 janvier : « La politique fait peur tant la ligne est brouillée entre le triomphe et l’échec ». Sa ligne à lui rayonne. Le chagrin d’Helena, son épouse, et de Laurent, son fils, est le nôtre. Nous partageons leur deuil.
(1) Éditions de la Table Ronde
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