Pr Éric Caumes : « Avec autant de cas asymptomatiques, une maladie comme Covid-19 est inarrêtable »

Publié le 02/03/2020
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Pour le Pr Éric Caumes, infectiologue à l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière (Paris), l'épidémie de Covid-19 aura bien lieu en France. Comme il l'explique au « Quotidien », il faut s'attendre à une infection peu meurtrière, mais dont les cas graves se concentreront sur les mêmes groupes à risque que la grippe.

Crédit photo : sébastien toubon

LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN : Avec l'abondante littérature scientifique publiée depuis le début de l'épidémie en Chine, que peut-on dire du SARS-CoV-2 ?

Pr ÉRIC CAUMES : On ne sait finalement pas grand-chose car le manque de recul n'est pas de nature à permettre la production de données scientifiques fiables. On a d'ailleurs vu un grand nombre d'opportunistes profiter de l'actualité pour publier des études de mauvaise qualité. Par exemple : la première étude chinoise qui prétendait que le taux de mortalité de l'infection était de 14 % était complètement fausse.

Un certain nombre d'informations sont néanmoins confirmées : c'est une pathologie qui ne tue pas les enfants et les jeunes adultes. Son taux de mortalité est faible, et son R0 (contagiosité) est entre 2 et 3, c’est-à-dire à peu près celui de la grippe. Contrairement à cette dernière, il existe des individus « super-spreaders » comme pour le SRAS ou le MERS‐CoV. C'est notamment ce qui a pu être observé dans des milieux confinés comme à bord du Diamond Princess.

Cette épidémie peut-elle être arrêtée ?

Il y a deux choses qui sont gênantes dans cette affaire, à commencer par les transmissions entre patients et soignants. Cela indique que les règles les plus élémentaires d'hygiène - le port du masque par le patient ET le soignant - ne sont pas respectées. L'autre problème est le fort taux de personnes infectées mais asymptomatiques, de l'oredre de 35 à 50 % selon les études. Une maladie avec autant de cas asymptomatiques est inarrêtable.

Il est donc probable qu'il y ait une épidémie en France. D'ailleurs, le gouvernement n'est pas dans une logique d'arrêt de l'épidémie mais plutôt de canalisation. Leur principale crainte n'est pas liée à la mortalité de l'épidémie, assez faible du reste, mais de voir le système de santé et les hôpitaux submergés face à cette nouvelle contrainte, alors même que nous sommes complètement débordés et sous tension.

Pour résumer : d'un point de vue individuel, les données sont rassurantes, mais d'un point de vue collectif, l'arrivée du SARS-CoV-2 est très inquiétante.

Quels sont les traitements qui peuvent être proposés ?

Aucun traitement curatif ne fonctionne, ni le ritonavir, ni le remdesivir (NDLR : essais en cours pour l'associaiton lopinavir/ritonavir et le remdesivir). La chloroquine semble donner de bons résultats in vitro, mais je ne suis pas du tout convaincu pour l'instant par ce qui a été publié par les médecins chinois chez les patients. En ce qui concerne les traitements symptomatiques, les antipyrétiques, les antalgiques et le paracétamol peuvent être utilisés.

Quelles sont les comorbidités les plus problématiques ?

Ce sont les mêmes populations à risque que la grippe. Les cas graves les plus probables concerneront les patients ayant des comorbidités respiratoires (emphysème, BPCO…), mais aussi des comorbidités générales comme le cancer.

En revanche, rien n'indique encore que les femmes enceintes soient plus à risque. L'obésité non plus ne semble pas être une comorbidité préoccupante.

Propos receillis par Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin