Déléguer certaines tâches médicales à d’autres professionnels de santé est un leitmotiv qui est régulièrement mis sur la table par l’exécutif (ministres notamment).
Il y a quelques jours de cela le président a formulé clairement sa volonté de favoriser une coopération entre soignants, et de donner la possibilité aux médecins de confier certaines tâches peu complexes aux infirmières (cela concerne certains actes réservés auparavant aux médecins).
Bien entendu cette annonce a été à l’origine d’une levée de boucliers de la part de nombreuses consœurs, mais aussi confrères.
En effet, bien que le ministre de la Santé et les instances gouvernementales nous préparent à de tels changements, jamais les politiques ne sont allés demander à la base de notre système de santé (les généralistes) leur point de vue sur cette question.
On formule des idées qui vont devenir des décrets ou des lois sans avoir reçu d’approbation de la part du corps médical.
Imaginons la prise de telles décisions dans le domaine de la scolarité (cas des Atsem, agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, qui prendraient en charge les écoles maternelles) ; cela aurait été à l’origine d’un tollé général et probablement un rétropédalage rapide.
Une décision hors-sol
Il est vrai que la pénurie de médecins conduit nos dirigeants à trouver des solutions simples et qui peuvent à leurs yeux contenter les Français.
Cependant cette gestion du manque de généralistes est très orientée sur le « nombrilisme » administratif, avec à sa tête des énarques qui ne connaissent pas du tout le fonctionnement d’un cabinet médical libéral.
De ce fait, le fonctionnaire de l’ARS qui passe ses journées devant son ordinateur ne connaît pas les arrangements, et les délégations informelles qui existent au sein de certaines zones géographiques.
Cet agent de l’État a pour fonction de faire rentrer dans la moule tous les soignants afin que la plèbe soit satisfaite, cela sans se soucier du tsunami qu’il a généré par ce changement de paradigme.
Par voie de conséquence l’exécutif braque des professionnels qui aiment leur métier, mais refusent un diktat des autorités de tutelle.
Une réalité de terrain qu’il faut savoir appréhender
Au sein de notre bassin de vie, en bordure de la Méditerranée, nous travaillons depuis des années la main dans la main avec les infirmiers et nous acceptons de leur déléguer certaines tâches car nous les connaissons bien, et nous pouvons avoir confiance en eux.
De plus, ces soignants n’outrepassent que rarement leur fonction, et savent passer la main dès lors qu’ils affrontent certaines difficultés.
Ce choix, nous l’avons fait dans notre cabinet avec certaines équipes d’infirmières dans le cadre d’une prise en charge en soins palliatifs (c’est le type de travail en équipe que nous avons voulu développer en pluriprofessionnalité), et nous nous refusons de valider de telles dispositions avec d’autres.
Cet exemple, qui est suivi par de nombreux confrères en France (nous ne sommes pas les seuls à travailler de cette manière), est très constructif et apporte plus de souplesse dans la prise en charge de nos patients.
Aussi, face à une directive venant de l’extérieur de notre microcosme professionnel, et ayant pour but de changer notre pratique, nous sommes en colère car ce grain de sable compromet grandement notre mode de fonctionnement.
Nous devons reconnaître qu’en 2023, du fait d’une politique dans le domaine de la santé bâclée durant de longues années, les professionnels de santé sont dans l’obligation de travailler en pluriprofessionnalité.
Cependant pour favoriser un épanouissement des patients et des soignants, il est fondamental de permettre aux intervenants officiant dans le domaine de la santé de s’organiser à leur façon.
Concluons avec cette citation de Valérie Valère : « c’est terrible de ne pouvoir écouter que ses pensées, c’est cela la torture du silence ».
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