Non, les complications du diabète ne sont pas une fatalité ! Non, l’insuffisance cardiaque avancée ou la dialyse ne sont pas une fatalité ! En effet, la prévention secondaire permet d’éviter une évolution défavorable. Encore faut-il permettre l’accès à l’innovation thérapeutique. En France, en 2024, les patients concernés ont appris qu’ils ne pourront pas bénéficier de la finérénone qui ne sera pas remboursée. Pourquoi ?
Selon l’Assurance-maladie, il y a, en France, plus de quatre millions de personnes diabétiques, plus de cinq millions avec une maladie cardio-neurovasculaire, plus de 50 000 personnes sont dialysées dont la moitié est diabétique. Ces dernières années, afin d’améliorer leur prise en charge, l’insuffisance cardiaque et la maladie rénale chronique (MRC) ont fait l’objet d’adaptation de la filière de soins : télémédecine, forfaitisation… Ces actions étaient plutôt centrées sur les stades avancés. Or, cardioprotection et néphroprotection se concrétisent par le contrôle de la pression artérielle et la réduction de l’albuminurie qui doivent être obtenus tôt dans le cours de la maladie. C’est l’intérêt d’un dépistage précoce. Aujourd’hui, les populations concernées ne sont pas suffisamment ciblées : 16 % ont une mesure annuelle du débit de filtration glomérulaire (DFG) et du rapport albuminurie/créatininurie (RAC) versus 66 % au Royaume-Uni.
Concernant le risque cardio-rénal, les actions non-médicamenteuses sont efficaces ; 150 minutes d’activité physique adaptée par semaine, un régime avec moins de 5 g/j d’apport sodé, la réduction pondérale, une consommation limitée d’alcool, le sevrage tabagique, un régime riche en fibres, fruits et légumes permettent une réduction de la pression artérielle de plus de 20 mm Hg. Au-delà de l’effet hémodynamique, la protection des organes cible (cœur, vaisseaux, reins) nécessite le blocage du système rénine-angiotensine (SRA) dont l’efficacité est prouvée depuis vingt ans. Récemment, les gliflozines ont apporté une efficacité supplémentaire. Cependant, il persiste un risque résiduel justifiant la recherche de nouvelles thérapeutiques.
Le récepteur aux minéralocorticoïdes (MR) est exprimé dans de nombreux types cellulaires. Il est associé à un phénotype inflammatoire et pro-fibrosant. La finérénone fait partie des antagonistes du MR, différent des antagonistes anciens (spironolactone, éplérénone). Les études expérimentales ont montré qu’elle avait un effet anti-fibrosant dans le cœur et les reins. Deux études randomisées en double aveugle concernant plus de 10 000 patients diabétiques de type 2 avec MRC ont montré une réduction de 18 % du risque rénal - baisse de 40 % du DFG, dialyse, décès d’origine rénale -, une réduction de 12 % du risque cardiovasculaire - infarctus, AVC, hospitalisation pour insuffisance cardiaque, décès CV - avec un risque d’hyperkaliémie tout à fait acceptable. En 2025, la finérénone serait indiquée chez un patient diabétique de type 2 présentant une albuminurie persistante (RAC > 30 mg/g) malgré un blocage efficace du SRA avec un DFG entre 25 et 90 ml/min/1,73 m² et une kaliémie inférieure ou égale à 4,8 mmol/l. Elle serait complémentaire d’un inhibiteur de SGLT-2 (gliflozine).
Le précédent des glifozines
En matière de retard d’accès à la néphroprotection et la cardioprotection des diabétiques et des patients atteints de MRC, il y a un précédent. En effet, les gliflozines ont obtenu leur première autorisation de mise sur le marché en Australie dès 2012. Elles ont été approuvées dans plus de 100 pays, avant que la commercialisation débute en France en 2021 et que les recommandations HAS pour le diabète de type 2 les priorisent en 2024 ! En attendant, une étude en France en 2023 montrait que l’utilisation de cette classe thérapeutique sur une période de cinq ans éviterait 7 536 démarrages de la dialyse, 4 729 hospitalisations pour insuffisance cardiaque, 3 058 décès toutes causes pour une économie de plus de 650 millions d’euros. En 2022, le registre français de la suppléance de la fonction rénale a montré pour la première fois une diminution de l’incidence de près de 500 patients, soit 4 %. Cependant, dans les pays qui sont comparables à la France, cette diminution a été constatée depuis plusieurs années. Est-ce lié à la commercialisation tardive des gliflozines ?
Les patients français n’auront pas accès à cette thérapeutique innovante, contrairement à la plupart des pays d’Europe
En novembre 2022, la commission de transparence de la HAS a donné un avis favorable pour le remboursement de la finérénone pour le traitement de la MRC stades 3 et 4 avec albuminurie du diabète de type 2. Elle a estimé qu’elle apporte une amélioration du service médicale rendu (ASMR IV). Malgré cela, les patients français n’auront pas accès à cette thérapeutique innovante, contrairement à la plupart des pays d’Europe. En passant, la HAS regrettait de ne pas disposer d’études de qualité de vie ; toutefois, il est aujourd’hui bien démontré que, dès le stade MRC 4, le score physique de qualité de vie s’altère et que les scores physique et mental sont très fortement dégradés au stade MRC 5. Toute action thérapeutique permettant une espérance de vie sans incapacité doit donc être considérée.
Enfin, la finérénone fait actuellement l’objet d’études cliniques chez les enfants atteints de MRC dont les premiers retours semblent prometteurs. Mais à quoi sert la recherche clinique si les résultats positifs ne sont pas pris en compte ?
Les représentants des spécialistes en endocrinologie, cardiologie et néphrologie, via leurs CNP, alertent les médecins et les Français sur les difficultés futures liées aux innovations thérapeutiques.
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