Par Céline Santran
Rémi ne pouvait pas dire qu’il était heureux. Non. Après ce qu’il avait traversé, il avait même l’impression qu’il ne pourrait plus jamais s’autoriser à goûter au bonheur. Pourtant, il avait entamé un lâcher-prise qui lui procurait jour après jour des petits moments de joie qui préfiguraient sans doute une « sortie de crise » progressive.
Le docteur Raymond l’avait appelé quelques jours plus tôt pour prendre de ses nouvelles, et Rémi avait proposé à son confrère de le retrouver à la terrasse d’un café. Il avait eu l’idée de cette rencontre plus informelle pour signifier qu’il ne ressentait plus le besoin de confronter son malaise à l’œil expert d’un spécialiste, mais avait davantage envie d’une entrevue plus légère entre confrères conscients que leur métier avait son lot de difficultés, et parfois, de tragédies. Assis cet après-midi-là face au soleil qui annonçait un printemps radieux, Rémi se prit à savourer ce moment comme une petite joie simple, mais nécessaire.
– Finalement, dit-il les yeux fermés en inclinant la tête pour mieux profiter des premiers rayons printaniers, le bonheur, je n’y crois pas trop, c’est un état qui s’étale dans la durée. Franchement, je suis trop pessimiste pour me dire que je suis capable de vivre avec cet état d’esprit-là. Par contre, il y a mille et une joies que l’on peut trouver dans notre quotidien, qui ne durent que quelques minutes, comme ici et maintenant : ce sont ces petites joies-là qui me font du bien.
– Je suis vraiment heureux de vous voir plus serein, moins confit dans le remords et la culpabilité.
Rémi but une gorgée de bière avant de poursuivre :
– Vous savez, avant cette terrible histoire, quand je recevais des patients dont la pathologie relevait d’une simple déprime due au stress au travail, au rythme de vie infernal, enfin ce genre de troubles finalement assez communs, je leur citais souvent cette phrase de Denis Grozdanovitch : « Dans toutes les circonstances de l’Histoire, il y a toujours eu des pêcheurs à la ligne ».
Le docteur Raymond rit de bon cœur :
– Eh bien on peut dire qu’aujourd’hui, vous en êtes un exemple parfait ! Vous voyez, je suis sûr que vous allez finalement reprendre le travail plus vite que vous ne le pensiez.
– Alors ça, ça m’étonnerait.
Le docteur Raymond afficha un air perplexe.
– Cette tragédie m’a ouvert les yeux. Vous n’avez jamais songé à changer de vie ?
Son collègue le considéra avec étonnement :
– Vous voulez dire tout plaquer ? S’en aller au bout du monde ?
– Je n’irais pas jusque-là, répondit Rémi en observant la couleur mordorée que les rayons du soleil donnaient à sa bière. Non, mais je me dis que rien n’arrive jamais par hasard, et que je devrais peut-être profiter de cette crise pour partir avec Aline vers un ailleurs différent.
– Beaucoup y pensent et peu de gens ont le courage de le faire… à moins de gagner au loto, là, évidemment, c’est déjà plus facile ! Tiens ça me fait penser, vous vous souvenez de votre « programme Carpe Diem » dont vous m’aviez parlé l’autre jour : vous l’avez suivi ?
Rémi fronça les sourcils et son visage s’éclaira soudain : le loto ! Il n’avait même pas regardé le tirage au sort à la télé quelques jours plus tôt ! Et où avait-il mis le ticket déjà ?
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