Par Jeanne Mazabraud
Le film de la journée est insupportable : l’annonce d’une maladie, la rupture avec un homme qu'elle estimait et qu'elle aimait. Et pour finir, sa fuite devant Valérie. Geneviève ne se reconnaît plus. La femme libre, heureuse s’est transformée en quelques heures en un être amer, incertain, malheureux.
Et les enfants ? Horrifiée, Geneviève se rend compte qu’elle a, ces dernières heures, totalement zappé l'existence des deux gamins. Un coup d'œil à sa montre : presque sept heures. Carole, l’étudiante qui les prend en charge à la sortie de l’école, doit s’inquiéter. Les réflexes prennent le dessus. Course jusqu’au parking, démarrage, premier feu au vert, les autres sont synchrones à condition de respecter la limitation. Escale à la boulangerie, stop au pressing. Carole est sur le pas de la porte, Zoé et Pierre dans les jambes.
— Je file. Je vais rater mon cours de yoga, marmonne-t-elle, de mauvaise humeur.
Zoé et Pierre envahissent l'espace, joyeux, taquins. Geneviève se laisse porter, glisser à la surface du quotidien qui gomme temporairement ses angoisses. Les menues histoires de l’école, l’autorisation à signer pour la piscine, les projets de voyage de classe – la fin de l’année approche –, les petites leçons à réviser (Carole les a négligées, ce n’est pas la première fois). Puis le bain, envahi des habituelles éclaboussures. Enfin le dîner : jambon-coquillettes, flan au caramel. Pas diététique mais gage de paix domestique. Zoé réclame un câlin, Pierre renchérit. Geneviève se laisse aller à cette tendresse sans arrière-pensée. Comme eux, elle voudrait arrêter le temps, lire encore une histoire alors que les yeux se ferment.
Alex a téléphoné tout à l’heure. Il est retenu par un dîner inopiné avec des clients, lui a-t-il précisé. Qu’elle ne l’attende pas, cela risquait de se prolonger jusque tard dans la soirée. Elle l'avait rassuré. Elle-même était crevée, elle se mettrait au lit très vite. Il restait des coquillettes qu’elle comptait agrémenter d’une tranche de saumon et d’un verre de Saumur qu’ils avaient débouché il y a deux jours.
Et elle fait exactement ce qu’elle a annoncé. Sauf qu’elle force sur le Saumur pour s’assommer et dériver dans un sommeil cotonneux. Puisqu’ils fuient tous, pourquoi n’en ferait-elle pas autant ?
Geneviève émerge vers trois heures du matin. Alex s'est glissé contre elle et la tient étroitement en cuillère, leur position favorite pour la nuit. Embrumée, elle se laisse aller. À quoi bon poser des questions qu’il éludera ? Etait-elle brune ? Etait-elle rousse ? Avec laquelle a-t-il contracté le virus dont elle a hérité ? Il refusera de répondre, s’offusquera, brassera des paroles vaines et fera entrer des flots d’air malsain dans les draps.
Non, pas cette nuit. Demain il sera toujours temps de mener bataille, de partir ou de rester, de pleurer ou de mordre. Demain elle aura récupéré un peu d’énergie vitale.
Dans la chambre voisine, Zoé couine doucement, prise dans un rêve délicieux. On est bien dans ce no man’s land nocturne. L'effet de la bouteille de Saumur n’est pas encore dissipé. Geneviève se rendort, oublieuse du papillomavirus, de la trahison de Carolus et des incertitudes sur la conduite amoureuse d’Alex. On verra bien demain.
Prochain (et dernier) épisode dans notre édition du 31 mars
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