« Desserrer l’étau, se libérer du joug de la Sécu » : le Dr Meyer Sabbah, président de l’Union collégiale (UC) et médecin « rebelle » de son propre aveu, a sorti l’artillerie lourde sur le terrain judiciaire face à la « destruction programmée de la médecine libérale ».
Son plan d’attaque décliné en quatre procédures conjuguées vise à « proposer une alternative » à la profession, notamment par « la sortie de la convention » que le syndicat dit préparer « depuis des mois ».
Le cabinet Vidal Avocats, spécialiste de la défense de médecins libéraux, a été sollicité. Les différentes actions engagées devraient durer plusieurs années mais pas de quoi décourager le Dr Sabbah, vieux routier du syndicalisme : « Aujourd’hui, nous sommes prêts à livrer cette bataille ».
Tarif d’autorité
Un premier recours en abrogation vise à supprimer la différence de remboursement entre le secteur III (autrement dit l’exercice libre hors convention qui concerne quelque 1 600 médecins en France) et les autres secteurs conventionnels. De fait, les patients des praticiens hors convention sont aujourd’hui remboursés sur la base de tarifs d’autorité (TA) d’un montant dérisoire (bloqués depuis 1966) – moins d’un euro pour une consultation. Pour Union Collégiale, ce lourd handicap crée une rupture d’égalité. « Nous nous battrons sur le terrain juridique, du conseil d’État jusqu’à l’Europe, et parallèlement nous préparons la sortie du système conventionnel », explique au « Quotidien » le Dr Sabbah. Le généraliste évoque la constitution d’une cellule juridique « secteur III » pour les médecins désireux de franchir le Rubicon. Les discussions sont avancées avec des complémentaires santé pour élaborer des contrats spécifiques solvabilisant les honoraires bien au-delà des tarifs opposables, par exemple « 80 euros la consultation, dix fois par an ».
Droits de la défense
Deuxième front : un recours spécifique contre le paiement à la performance. Pour Union collégiale, la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) qui a été généralisée dans la convention de 2011 (par accord tacite puisque les médecins devaient formaliser explicitement leur refus éventuel) met en place un système de paiement différé qui « aliène » la médecine libérale. « Avec la ROSP, il y a un problème de consentement, si le médecin ne dénonce pas il est piégé », suggère-t-on au cabinet Vidal Avocats.
Troisième cible : la procédure de sanctions conventionnelles contre les pratiques tarifaires dites excessives, mise en place dans l’avenant 8. Généraliste MEP installé à Grasse en secteur II, le Dr Sabbah a été le tout premier médecin sanctionné pour des dépassements jugés abusifs (pour des consultations facturées 70 euros en moyenne). Une procédure de recours se poursuit devant le tribunal administratif de Nice contre la caisse primaire des Alpes-Maritimes. « La procédure n’est pas conforme aux droits de la défense, il s’agit de tribunaux d’exception », affirme le cabinet Vidal.
Enfin, quatrième salve, Union collégiale a engagé une procédure visant à « révéler et contester les liens financiers » entre les syndicats qui signent la convention et les autorités publiques, notamment via la formation des cadres syndicaux à la vie conventionnelle. « Nous allons nous attirer beaucoup d’ennemis, concède le Dr Sabbah. Notre objectif n’est pas d’affaiblir les syndicats mais de dénoncer un système qui les rend pieds et poings liés. » Des informations financières ont été réclamées à la CNAM et le cabinet Vidal n’exclut pas de saisir la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) en cas de refus.
À quelques mois du scrutin professionnel en médecine libérale (programmé le 12 octobre), cette guerre judiciaire au cœur du système conventionnel, et qui n’épargne pas les organisations signataires, est-elle une manœuvre électorale ? Le Dr Sabbah assure vouloir défendre la médecine libérale face à une idéologie « qui veut la détruire ».
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