On sait, d'après différentes études, que les patients schizophrènes sont plus souvent célibataires ou sans partenaire, qu'ils se séparent plus souvent qu'en population générale et que leurs comportements sexuels sont plus à risque. Les violences sexuelles subies sont plus fréquentes ainsi que les grossesses non désirées et les risques de décompensation dans le post-partum. Les dysfonctions sexuelles ont une forte prévalence, que les patients soient traités ou non. De même, les troubles du cycle menstruel, les gynécomasties et les galactorrhées sont augmentés, en lien avec les effets des traitements. Les comorbidités sont fréquentes : diabète de type 2, éthylotabagisme et obésité. Les effets secondaires des antipsychotiques sont rarement recherchés en pratique et pourtant ils ont une importance majeure sur la qualité de vie des patients.
Une étude transversale, observationnelle, descriptive a donc été réalisée à l'aide d'un questionnaire composé de 27 questions. Cette enquête s'adressait aux psychiatres et internes en psychiatrie exerçant en Ile-de-France. 159 répondants ont complété le questionnaire.
Des dysfonctions occultées
96 % d'entre eux ont évalué la qualité de la vie sexuelle des patients schizophrènes comme inférieure à très inférieure à celle de la population générale. En outre, 81 % des répondants ont considéré que les prises en charge des troubles sexuels étaient inférieures à celle des autres pathologies du champ de la psychiatrie, 40 % déclarant que la question de la sexualité n'était jamais ou rarement abordée. Lorsqu'ils prescrivaient un traitement antipsychotique au long cours, ils étaient 33 % à déclarer ne jamais ou rarement mentionner les effets secondaires à type de troubles sexuels. Si 54 % des professionnels déclaraient rechercher souvent ou toujours une dysfonction sexuelle à l'arrêt d'un traitement, ils étaient néanmoins 85 % à déclarer ne jamais ou rarement prescrire de médicaments spécifiques pour lutter contre cette dysfonction. Seuls 17 % des répondants se considéraient comme compétents ou très compétents pour aborder la sexualité avec leurs patients.
Or différentes études montrent que les patients sont volontaires et soulagés de discuter de leurs problèmes sexuels. Pourquoi ces réticences des psychiatres à aborder le sujet des troubles sexuels ? Plusieurs hypothèses sont avancées : le manque de formation, le manque de temps, le peu d'intérêt porté à la question, les fausses croyances du praticien. Parmi celles-ci, « le risque de déstabiliser le patient ou d'induction d'épisodes psychotiques » voire de « comportements sexuels aberrants », « l'induction d'une méfiance vis-à-vis du traitement ».
Les auteurs reconnaissent plusieurs limites à cette étude, notamment les biais de mémorisation, d'aspect qualitatif et subjectif, l'absence d'équivalent en population générale. Il faut néanmoins retenir pour la pratique que les patients sont désireux d'un dialogue concernant leur sexualité, que les soignants doivent approfondir leurs connaissances sur le sujet et se débarrasser des fausses idées et croyances afin de mieux gérer les dysfonctions, ce qui permettrait d'améliorer la relation thérapeutique, la compliance aux traitements et la qualité de vie des patients.
Communications des Drs Lois Bacconi, Florence Gressier et Patrick Leuillet
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