LE QUOTIDIEN - Partagez-vous le constat de Gilles Johanet, lorsqu’il dit que le marché de la RC médicale reste fragile?
STÉPHANE PÉNET - Nous ne partageons pas le pessimisme de Gilles Johanet. Il ne faut pas être alarmiste. Aujourd’hui, l’incertitude juridique créant un problème d’assurance ne touche que
1 500 obstétriciens libéraux, or il existe 400 000 médecins et paramédicaux libéraux qui trouvent tous à s’assurer. Le marché fonctionne, on n’est plus dans une situation de crise comme en 2002. Le bureau central de tarification (BCT) médical (qui reçoit les dossiers de ceux qui ne trouvent pas d’assureur) n’est saisi qu’une centaine de fois par an, c’est un bon baromètre. La judiciarisation de la médecine progresse, mais la pression médicolégale décrite par Gilles Johanet dans son rapport n’est pas si évidente que cela.
Les médecins voient leur prime d’assurance augmenter d’année en année, ils font face à des trous de garantie. Admettez-vous l’existence d’un problème?
Le coût moyen des gros sinistres augmente, donc les primes augmentent, c’est vrai. Les trous de garantie existent aussi, mais ils ne sont pas propres aux médecins. Tous les professionnels ont une responsabilité illimitée vis-à-vis de leur activité ; leur couverture étant plafonnée, tous font face à des trous de garantie. Le risque de ruine existe chez tous les professionnels. La particularité des obstétriciens tient au fait que les indemnités versées aux patients grimpent, tandis que la garantie minimale réglementaire n’a pas augmenté depuis 2002 (un assureur est obligé de couvrir un médecin pour au minimum 3 millions d’euros, NDLR). Des assureurs ont adapté leur offre et proposent des couvertures à 6 ou 8 millions d’euros. Bien sûr, c’est cher. Les médecins ne peuvent pas répercuter ce coût sur leurs honoraires, c’est un problème pour ceux exerçant en secteur I. L’aide que leur verse l’assurance-maladie règle une partie du problème, mais je conçois que ce n’est pas une bonne solution. Se faire subventionner son assurance par la Sécurité sociale, ce n’est pas idéal. Il faut intégrer le prix de l’assurance dans les honoraires.
Que pensez-vous de la mutualisation du risque médical lourd, notamment obstétrical?
L’obstétrique reste assurable, même si cela coûte cher. La FFSA considère que la simple augmentation du plancher réglementaire de couverture, de 3 à 6 ou 8 millions d’euros, réglerait le problème des trous de garantie. Le ministère de la Santé semble vouloir régler le problème définitivement par une solution ad hoc. Le politique a l’air décidé de se saisir du sujet. La mutualisation ne nous semble pas nécessaire, mais puisqu’on ne nous laisse guère le choix, nous y réfléchissons. Il y aura des écueils à surmonter. L’idée du pool suppose l’adhésion de l’ensemble des 400 000 professionnels concernés, ce qui ne nous paraît pas évident - les médecins semblent partagés sur la question. Un pool peut également poser un problème de concurrence. J’ajoute que si ce pool peut sécuriser les médecins, il ne règle pas la question du niveau de prime.
Qui financerait ce fonds ? Quel pourrait être son budget?
Une surcotisation est à prévoir. Gilles Johanet propose que la surcotisation soit fixée en valeur absolue et tienne compte de l’exposition au risque. Nous proposons plutôt que les professionnels de santé payent tous le même pourcentage. Si c’est 10 % de la prime, cela représenterait 20 euros pour le généraliste qui s’assure pour 200 euros, et 2 000 euros pour l’obstétricien qui s’assure à 20 000 euros. Combien coûtera précisément cette surcotisation, il est trop tôt pour le dire. Pour les catastrophes naturelles, où le risque est mutualisé, la surcotisation est de 12 % pour tous les Français, où qu’ils vivent. C’est la limite de l’acceptable. Nous avons des réunions avec Bercy pour évaluer le financement de ce fonds. Nous préconisons un dispositif à trois étages : le système assurantiel classique en dessous de 8 millions d’euros ; un pool d’assureurs pour les sinistres médicaux entre 8 et 15 millions d’euros ; et, si l’État y tient, mais nous ne jugeons pas cela nécessaire, un écrêtement et une prise en charge par la solidarité nationale au-delà de 15 millions d’euros.
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