Natation, vélo, yoga…

Le sport sur ordonnance, un nouvel outil

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Publié le 11/02/2016
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Lancée à Strasbourg en 2012, la prescription d’activités sportives par les médecins généralistes permet déjà à près de 1 200 patients de pratiquer un sport sous le contrôle de professionnels qualifiés, en étant totalement ou partiellement défrayés des dépenses liées à ce dernier. Une vingtaine d’autres villes ont déjà entrepris une démarche similaire, qui pourra prochainement être élargie à l’ensemble de la France.

Adopté dans le cadre de la loi de santé, l’amendement présenté par la députée et médecin Valérie Fourneyron vise en effet à généraliser cette possibilité pour tous les patients inscrits en ALD.

200 généralistes impliqués

 

Généraliste à Strasbourg et adjoint au maire chargé de la santé, le Dr Alexandre Feltz, pionnier de ce dispositif, se félicite d’autant plus de cet amendement que la ville est citée en exemple dans l’exposé des motifs de la loi, ce qui est « rarissime ». Il rappelle qu’à Strasbourg, près de 200 généralistes prescrivent déjà des activités sportives à leurs patients, principalement de la natation, de la marche nordique et du vélo. Les médecins travaillent en partenariat avec le service des sports de la ville, dont les éducateurs accompagnent les patients dans leurs activités. Celles-ci leur sont remboursées, pendant la durée de la prescription, grâce à un accord entre la ville, l’ARS d’Alsace, le régime local d’Assurance maladie et la Direction de la Jeunesse et des Sports.

En 2015, le budget du sport santé à Strasbourg s’est élevé à 250 000 euros, sachant que le coût d’une activité tourne autour de 200 à 300 euros par personne. Si le dispositif satisfait les médecins comme les patients, il reste encore améliorable. « Les médecins qui s’engagent dans le sport sur ordonnance le font sans aucune compensation financière, mais devraient en retirer un avantage, dans la mesure où ces activités profitent au patient mais aussi, en réduisant les dépenses de santé, à la sécurité sociale elle-même », explique le Dr Feltz. Pour cette raison, poursuit-il, « je vais proposer, dans le cadre des négociations conventionnelles, que la prescription de sport santé, en tant qu’outil de qualité, soit inscrite parmi les indicateurs de la Rémunération sur Objectifs de Santé Publique (ROSP) ».

Une vraie thérapie complémentaire

Pour les médecins qui prescrivent déjà du sport santé, l’expérience est positive et enrichissante, comme le décrit le Dr Myriam Ernst, installée depuis un an avec deux consœurs dans la maison de santé de Strasbourg-Hautepierre. Elle y voit une vraie thérapie complémentaire, « qui nous permet parfois de débloquer une difficulté médicale ». Lorsqu’un patient lui semble susceptible de bénéficier du sport santé, elle lui en parle, et l’accord peut se faire tout de suite, où à l’issue d’une sensibilisation plus longue. Au-delà de l’intérêt physique, elle estime qu’inciter des patients à faire du sport les aide à améliorer leur propre image et à se revaloriser, et souligne les atouts sociaux et psychologiques du dispositif. « J’ai une patiente réfugiée, élevant seule deux enfants, que j’ai incitée à aller faire des jeux de balle, ce qui lui a permis de rencontrer d’autres gens et de penser à autre chose : son anxiété a disparu, elle est radieuse et a cessé de se voir comme étant trop grosse », explique le Dr Ernst. Dans la patientèle de ces trois généralistes, la marche nordique, le yoga, les jeux de balle et la natation sont les sports les plus prisés. Les médecins ne se chargent pas du suivi « sportif » de leurs patients mais peuvent constater les évolutions lors des consultations. De plus, constate-t-elle, « ceux à qui nous avons conseillé de faire du sport viennent moins souvent parler de leurs problèmes psychologiques et sociaux », ce qui prouve l’efficacité de la démarche.

Par ailleurs, les patients, à l’issue de la période où ils bénéficient du sport santé, sont incités à s’inscrire dans les centres sportifs ou socio culturels de leur quartier, pour poursuivre leurs activités. Ils peuvent d’ailleurs bénéficier, dans ce cadre, d’un « tarif solidaire » adapté à leurs revenus. Les patients de la Maison de santé ayant profité jusqu’à présent du sport santé sont en général plutôt jeunes, avec beaucoup de mères de famille et d’hommes ayant des problèmes de désinsertion. Mais le sport santé est proposé aussi, avec succès, dans le cadre du sevrage tabagique. « Les fumeurs qui viennent d’arrêter, et qui découvrent qu’ils peuvent faire plusieurs longueurs de bassin à la suite, ce qui leur était impossible avant, perçoivent vraiment les bénéfices de leur sevrage », explique le médecin, en notant que « c’est bon non seulement pour eux, mais aussi pour leurs proches, car ils vont les convertir au bénéfice de l’arrêt ». Aujourd’hui, termine-t-elle, « le sport santé est entré dans notre arsenal thérapeutique », et elle ne souhaiterait plus devoir s’en passer.

Denis Durand de Bousingen

Source : Le Quotidien du médecin: 9470