Né en décembre dernier, le Comité national autoproclamé de la vieillesse (Cnav) veut porter la voix de ceux qu’il n’hésite pas à appeler « les vieux ». Le Dr Véronique Fournier, ex-présidente du Centre national des soins palliatifs, fait partie des initiateurs de ce projet
Qu’est-ce que le Cnav ?
C’est un collectif qui réunit des associations qui travaillent sur la vieillesse ainsi que des personnalités qualifiées qui s’intéressent au sujet. Nous ne sommes pour l’instant pas structurés en association, et je ne sais pas si nous le serons un jour. Notre idée, c’est de travailler de manière horizontale, pour que les politiques publiques qui concernent les vieux soient discutées avec les vieux.
Vous n’hésitez pas à utiliser ce terme de « vieux », souvent proscrit des discours sur le grand âge. Pourquoi ?
J’aime bien appeler un chat un chat. On dit « les jeunes », je ne vois pas pourquoi on ne dirait pas « les vieux ». Les appellations elliptiques, comme « les personnes âgées », « les aînés », ne sont que des euphémismes. Le vrai sujet, quand on arrive à un certain âge, c’est qu’on est… vieux. Ce n’est pas forcément rigolo, mais c’est une période de notre vie qu’on peut essayer de bien vivre.
Votre collectif appelle à supprimer les Ehpads. S’agit-il de supprimer la dénomination ou la chose ?
Les deux ! Le sigle, en lui-même, n’est pas très réjouissant. Mais surtout, il signifie qu’on concentre dans un même lieu jusqu’à 80, 90, 100 personnes dépendantes, voire archi-dépendantes. Comment voulez-vous que ces endroits restent joyeux, vivants ? Nous pensons que le modèle des Ehpads contient en lui-même sa propre dérive.
Quelles sont les alternatives que vous proposez ?
Il faut analyser précisément le recrutement actuel des Ehpads. Une grande partie est constituée de gens qui ont de gros problèmes cognitifs, qui ne sont pas forcément handicapés physiquement, mais qui ne peuvent pas rester chez eux car ils peuvent être dangereux pour eux-mêmes ou pour autrui. Aujourd'hui, on les enferme dans l’étage sécurisé d’un Ehpad alors qu’ils sont en pleine forme physique. C’est contre nature, et il ne faut pas s’étonner qu’ils développent des troubles du comportement. Il faut leur trouver d’autres solutions, et c’est comme ça qu’ont été inventés les villages Alzheimer, par exemple.
Et pour ceux qui ont des problèmes physiques, mais pas nécessairement de démence ?
C’est effectivement l’autre grand recrutement des Ehpads. Mais ils n’ont pas forcément besoin non plus d’y être. Ce dont ils ont besoin, c’est de soins rapprochés. Or les Ehpads confondent lieu de vie et lieu de soin. Ce que nous proposons, c’est de dissocier les deux. Il faut que ces gens puissent habiter dans de petites unités de cinq à dix personnes, dont ils peuvent sortir et où on peut venir leur rendre visite facilement. On peut imaginer plusieurs de ces unités assez proches les unes des autres, avec, à proximité, une antenne soignante. Et ce sera aussi bénéfique pour les équipes soignantes, cela mettra de l’air dans le système et c’est comme cela qu’on évitera les maltraitances.
Pensez-vous que l’affaire Orpéa puisse déclencher une prise de conscience sur le sujet ?
Nous allons nous employer avec force à créer cette prise de conscience, mais le livre de Victor Castanet n’y suffira pas. Il dénonce des dérives épouvantables, il faut que ça s’arrête et que la justice intervienne, mais la situation est également désastreuse dans les Ehpads publics. Il faut donc repenser le modèle fondamentalement. Mettre plus de personnel, le payer davantage, c’est une bonne chose, mais ça ne règle pas le problème de fond. Ce que nous attendons de la société, c’est qu’elle mette le paquet pour nous éviter de rentrer en dépendance. Et quand nous y sommes, nous refusons qu’elle décide à notre place de la façon dont nous devons vivre.
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