Un rapport acide pour combattre activement les déserts médicaux

Des sénateurs placent la liberté d’installation en garde à vue

Publié le 07/02/2013
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Crédit photo : AFP

TRES ATTENDU, le rapport sénatorial tombe deux mois seulement après la publication du «  Pacte territoire-santé » de Marisol Touraine. Mais pour les médecins la potion est plus amère ! Le gouvernement actionnait exclusivement le levier incitatif : stage en cabinet libéral pour 100 % des étudiants, renforcement des bourses, postes de praticiens territoriaux de médecine générale, rémunération forfaitaire pour le travail en équipe de proximité, transferts de compétence... Issu de très nombreuses auditions et déplacements, le rapport sénatorial, lui, ne fait pas dans la dentelle, réclamant ouvertement des mesures autoritaires.

Il propose d’« étendre aux médecins le principe du conventionnement sélectif en fonction des zones d’installation qui s’applique déjà aux principales autres professions de santé ». Les auteurs mesurent que cette proposition sera ressentie comme un casus belli par la profession. Ils se justifient en appelant à la rescousse le rapport du sénateur Juilhard qui évoquait déjà le conventionnement sélectif en 2008, ou encore une proposition de loi d’un certain Jean-Marc Ayrault qui proposait en février 2011 de subordonner à une autorisation des ARS l’installation dans les zones sur denses. Ils n’oublient pas de rappeler que l’Ordre des médecins avait lui aussi suggéré en mai dernier d’en finir avec la liberté d’installation (provoquant une telle levée de boucliers que l’institution avait dû faire machine arrière).

Deux ans de service public.

Le rapport sénatorial va plus loin. Il suggère d’« instaurer, pour les médecins spécialistes, une obligation d’exercer pendant deux ans à la fin de leurs études dans les hôpitaux où le manque de spécialistes est reconnu par les ARS ». Hervé Maurey, rapporteur, précise qu’« il ne s’agirait pas à proprement parler d’une obligation d’installation, mais de l’accomplissement d’un bref service public ». Pas sûr que les intéressés saisissent la nuance...

Pire, le rapport anticipe une possible aggravation de la situation. Il suggère d’informer dès à présent les étudiants en médecine de «  la possibilité d’instaurer, pour les médecins généralistes, une obligation de quelques années d’exercice en zone sous-dotée en début de carrière si, au terme de la présente législature, la situation n’a pas évolué positivement ». Hervé Maurey enfonce le clou : la régulation basée sur le conventionnement sélectif est «  l’une des mesures les plus prometteuses pour améliorer la répartition territoriale des professionnels de santé. Toutefois, elle souffre d’une lacune importante : celle de ne pas s’appliquer aux médecins ».

Le rapport avance une autre piste, qui fleure bon la planification  : créer dans chaque département une « commission de la démographie médicale », associant des représentants du préfet, de l’ARS, du conseil départemental de l’Ordre des médecins et de l’assurance-maladie. Elle serait chargée de « délimiter des aires de santé, de définir et organiser les moyens d’accéder aux soins sur ces territoires ».

Réformer les études, encore.

Les autres propositions ne devraient guère effrayer la profession. Elles ne font que reprendre des mesures déjà évoquées ou en place. Le texte propose de diversifier l’enseignement en introduisant des modules comme la gestion, la communication ou l’économie de la santé « favorisant l’installation en ambulatoire ».

Il propose de rendre effective l’obligation des stages d’initiation en médecine générale. Marisol Touraine ne disait pas mieux en décembre. Quant aux ECN (épreuves classantes nationales) le rapport plaide pour la régionalisation, « en ouvrant dans chaque région un quota de postes en adéquation avec la démographie de la région ». Plus original, les auteurs appellent de leurs vœux « une 4e année professionnalisante en fin de 3e cycle pour les étudiants en médecine générale, accomplie de préférence dans les zones sous denses ».

Autres idées plus convenues  : la coopération, les transferts d’actes entre professions de santé, l’exercice regroupé pluriprofessionnel, la télémédecine ou encore l’allongement de la durée d’activité des médecins en exonérant les retraités actifs du paiement des cotisations d’assurance vieillesse. La médecine salariée n’est pas oubliée que les auteurs veulent développer « lorsque cela est nécessaire, en confortant les centres de santé ».

Jusqu’à présent, le gouvernement s’est engagé dans la seule voie de l’incitation, Marisol Touraine expliquant que la coercition risquait de décourager la jeune génération, voire de pousser certains professionnels au déconventionnement. L’ordonnance choc du Sénat peut-elle changer la donne ?

Document provisoire (Source : Sénat)

 HENRI DE SAINT ROMAN

Source : Le Quotidien du Médecin: 9216