LE NUAGE de Tchernobyl, l’hormone de croissance, la vaccination antihépatite B, la légionellose à l’HEGP (Hôpital européen Georges-Pompidou) : ces quelques dossiers de santé publique, aujourd’hui encore en cours d’instruction, risquent de faire demain l’objet d’un non-lieu. « Si la réforme du code de procédure pénale est adoptée, explique au "Quotidien" la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy, vice-présidente du tribunal de grande instance de Paris, en charge du pôle Santé publique, les délais de prescription seront en principe allongés de dix à quinze ans en matière criminelle et de trois à six ans pour des délits passibles de peines d’au moins trois ans de prison. Mais ces délais ne courront plus à partir du moment où l’infraction a été mise à jour, comme le prévoit la jurisprudence tirée d’un arrêt de la Cour de cassation, rendu en juillet 2005 dans l’affaire de l’hormone de croissance (voir encadré) , mais du jour où l’infraction a été commise, quelle que soit la date où ils ont été constatés. Outre de grandes affaires en cours, des dossiers potentiels seraient à l’avenir également touchés, tels ceux des antennes-relais, des pesticides ou des nanotechnologies. »
Des personnes qui découvrent dix ou quinze ans après des faits présumés qu’elles sont victimes d’une contamination ou d’une intoxication ne pourront plus engager une action judiciaire si elles se manifestent six ans après les faits.
Pour Alain-Michel Ceretti, fondateur du LIEN (association d’aide aux victimes de maladies nosocomiales) et responsable du pôle santé du Médiateur de la République, les conséquences de cette réforme, parce qu’ « elles constituent une prime à la délinquance et à la criminalité qui se cachent », représentent « un scandaleux encouragement à la dissimulation de la vérité. La réduction des délais de prescription est d’autant moins jusitifiable que l’on est souvent, en santé publique, en présence de pathologies, comme celle de Creutzfeldt-Jakob où les délais d’incubation peuvent dépasser dix ans. »
M e Bernard Fau, avocat des victimes notamment dans l’affaire de l’hormone de croissance, est pour sa part accusateur : « Nous voyons là le résultat du lobbying de certains groupes et d’un politiquement correct français qui rechigne à remettre en cause les professionnels de santé ou les hommes d’affaires qui évoluent dans le secteur santé. »
Avocat de la FNATH (accidentés de la vie), M e Karim Felissi confirme la crainte de beaucoup d’ associations : « Des dossiers vont passer à la trappe. Cela montre l’absence totale de réflexion sur la responsabilité pénale des grands groupes industriels et, dans le même temps, on va dire aux victimes : "Vous avez effectivement contracté une pathologie, elle a mis un certain temps avant de se déclarer, mais vous l’avez contractée il y a trop longtemps, circulez, il n’y a rien à voir !" »
Suppression des juges d’instruction.
Une autre disposition de la réforme pénale pourrait sonner aussi le glas d’affaires de santé publique, avec la suppression des juges d’instruction. « Les magistrats du parquet assureraient alors le suivi des dossiers, mais, redoute Mme Bertella-Geffroy, alors que le parquet n’est pas indépendant, comment pourraient-ils maîtriser des dossiers par nature d’une grande complexité technique, sur lesquels moi-même et les trois juges du pôle Santé avons organisé des années de procédure, d’expertise et d’investigation ? » La question est posée sans, à ce jour, susciter beaucoup de réactions judiciaires. Certains, à l’instar d’Alain-Michel Ceretti, tout en « comprenant l’inquiétude » exprimée par la responsable du pôle Santé de Paris, ne se déclarent « pas opposés à remettre en cause un modèle d’instruction qui aboutit, dans beaucoup d’affaires, à d’interminables tunnels judiciaires. Le dossier des légionelloses de l’HEGP, pour ne citer que lui, est entré dans sa onzième année d’instruction. Quel justiciable peut trouver son compte dans un temps judiciaire à ce point arrêté, alors que tout le monde a intérêt à travailler plus vite ? »
Présentée le 1 er mars, la réforme du code de procédure pénale fait l’objet jusqu’à la fin d’avril d’une vaste concertation entre la chancellerie, les professions judiciaires et les associations. Au ministère de la Justice, on laisse entendre que, sur la question des délais de prescription, si le statu quo doit être évité, « rien n’est figé ». En revanche, la question de la suppression des juges d’instruction ne serait pas négociable, a plusieurs fois indiqué Michèle Alliot-Marie.
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