L’hôpital public d’un côté, la ville de l’autre et le médico-social à part : peut-on enfin réparer les fractures du système de santé ?
Libéraux et hospitaliers auront à cœur d'en débattre pendant les trois jours de la Paris Healthcare Week (PHW du 16 au 18 mai). La Fédération hospitalière de France (FHF) inaugure le salon par une table ronde consacrée à l'ouverture de l'hôpital vers la médecine libérale. Au moins 30 start-up proposeront des innovations qui facilitent la collaboration ville-hôpital autour du patient. Autre symbole, l'AP-HP, premier CHU de France, organise samedi prochain des visites réservées aux médecins de ville pendant ses traditionnelles Journées portes ouvertes. Une première.
Si la problématique de la convergence ville/hôpital n'est pas nouvelle, l'urgence d'un rapprochement est devenue criante, au regard de la pénurie médicale et de l'explosion des pathologies chroniques. Une enquête* auprès de 799 professionnels libéraux et hospitaliers confirme le manque de liant entre les deux mondes. Un professionnel sur deux (53,4 %) confesse que la collaboration ville-hôpital ne fonctionne qu'« un peu » à ses yeux et un sur dix (10,6 %) « pas du tout ». Seul un sur trois évoque une coopération « régulière » et 3,1 % une entente « parfaite ».
En outre, si la télémédecine ou la santé mobile créent quelques ponts entre les secteurs libéral et hospitalier, les expérimentations restent à l’échelle locale, faute d'impulsion politique ou de financement pérenne.
Changement de mentalités
C'est dans ce contexte que le gouvernement a créé, en miroir aux groupements hospitaliers de territoire (GHT) qui recomposent le secteur public, les équipes de soins primaires et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) pour aider les professionnels à mieux s'identifier, se structurer et se parler. Une quarantaine de CPTS ont germé depuis l'adoption de la loi de santé. La création des plateformes territoriales d'appui – des outils de gestion pour les situations complexes – s'inscrit dans la même logique de coopération.
En mal de praticiens mais pas de patients (notamment aux urgences), l'hôpital veut, avec l'aide de la ville, changer de logiciel. La FHF prône une « ouverture forte et résolue » des GHT vers les généralistes libéraux et la création d'un financement au parcours, plus souple et adapté aux pathologies chroniques. Sur le terrain, les initiatives se multiplient. On mise sur les partenariats entre maisons de santé pluridisciplinaires et établissements (876 sur les 910 existantes collaborent avec un hôpital, un EHPAD, etc.). On resserre les liens. La puissante AP-HP veut « compléter » l'érection de son nouvel Hôpital Nord par « un projet ambulatoire innovant » en médecine générale et en soins mère-enfant.
« La ville et l'hôpital sont en train de changer de mentalité, analyse le Dr Jean-Pierre Jardry, missionné par la FHF pour réfléchir à la convergence entre les deux secteurs. Les GHT sont une opportunité, mais tout reste à faire pour y intégrer les libéraux, qui y sont prêts. » En attendant de rendre ses conclusions, à la rentrée, le généraliste à la retraite réfléchit à plusieurs solutions : développer les consultations avancées (en médecine générale, en pédiatrie et autre spécialité), créer un répertoire pour les médecins traitants (un numéro pour la régulation, un pour chaque service afin d'éviter les urgences, un pour vérifier au besoin les ordonnances de sortie), faire de l'élu local un intermédiaire ou encore ouvrir les conférences de consensus à la ville.
« Proposer à un jeune médecin de participer à un projet médical élaboré en lien avec le premier recours peut l'aider à se projeter dans un territoire excentré », plaide pour sa part le Dr David Piney. Le secrétaire général de la conférence des présidents de CME de CH table également sur le développement du statut mixte. En 2016, seuls 6,5 % des généralistes exercent en ville et à l'hôpital.
Tentation du sergent recruteur
En ville pourtant, les initiatives hospitalières hors les murs jettent le trouble. Président de la Fédération des soins primaires, le Dr Philippe Marissal met en garde l'hôpital contre la tentation de jouer au « sergent recruteur » de patients. Le Dr Jean-Paul Ortiz, patron de la CSMF, est sur la même ligne : « On note une meilleure écoute et une plus grande compréhension, mais le chemin est encore long ! Des incartades locales comme l'ouverture d'une consultation avancée de médecine générale à Maubeuge alors que la médecine de ville s'y porte bien ne vont pas dans le bon sens. » L'ouverture des GHT ? Il y a encore trop de « H » dans cet acronyme, aux yeux du néphrologue libéral. Dans l'enquête précitée, les médecins interrogés réclament « une volonté commune de part et d'autre », des outils informatiques de pointe et même « une législation imposant des contraintes de partage des dossiers ».
* Les médecins libéraux représentent 78,2 % de l'échantillon. Enquête en ligne du 22 mars au 14 avril pour PG promotion, organisateur de la Paris Healthcare week, dont le « Quotidien du médecin » est partenaire
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