Un pas en avant, un pas en arrière. La définition délicate des modalités de la lutte contre la désertification médicale, avec en corollaire le sort de la liberté d’installation des médecins, continue d’osciller entre formules incitatives et gages fermeté, sans que l’on sache où s’arrêtera le balancier, ce qui alimente les craintes du corps médical (lire ci-dessous).
Premier acte : l’Assemblée nationale vote un amendement à la loi Bachelot instaurant un « contrat santé solidarité » pour les généralistes des zones surdotées, sous peine d’amende (3 000 euros maximum par an), faute d’une meilleure répartition des médecins à l’horizon 2 012 grâce aux incitations (bourses d’études, aides fiscales…). Objectif : faire participer les médecins des zones surdenses à la satisfaction des besoins des zones fragiles proches. Deuxième acte : après le tollé de certains syndicats contre cette « taxe Bachelot », la commission des affaires sociales du Sénat supprime le caractère obligatoire du contrat santé solidarité, le vidant de sa substance, initiative saluée par les représentants des libéraux. Troisième acte : Roselyne Bachelot, en ouverture de la discussion en séance au Sénat, souligne que le contrat santé solidarité tel qu’il avait été voté par les députés marque un « point d’équilibre entre les exigences des professionnels et les attentes de nos concitoyens » et qu’elle est « particulièrement attachée » à ce dispositif. Façon de souligner que « dans le respect de la liberté d’installation », il faudra quand même mettre de l’ordre dans la répartition des médecins si les mesures incitatives échouent. « Faut-il attendre, pour agir, que nos concitoyens éprouvent de très grandes difficultés à trouver des médecins dans les zones rurales ou périurbaines défavorisées ? Non, nous ne pouvons pas laisser se poursuivre cette démédicalisation des territoires ! » s’est exclamée Roselyne Bachelot devant le Sénat. Avant de poursuivre : « Alors que la densité médicale est de 830 médecins pour 100 000 habitants à Paris, et seulement de 198 dans l’Eure, peut-on laisser la répartition des médecins sur le territoire se dégrader sans réagir ? ». La ministre a solennellement demandé au Sénat de « tirer toutes les conséquences nécessaires » de cette situation.
Testing : la déception des patients
Ce discours de (relative) fermeté est intervenu alors que, dans le camp des soutiens à la loi Bachelot, des voix s’élevaient pour condamner la « dénaturation » progressive du texte dans le domaine de l’accès aux soins. Ainsi la puissante Fédération hospitalière de France (FHF, hôpitaux publics) s’est-elle alarmée de la suppression de dispositions relatives à la régulation de l’installation médicale et à l’encadrement des dépassements d’honoraires. De la même façon, le Collectif interassociatif sur la santé (CISS, usagers) a dénoncé carrément le « saccage » effectué dans le texte avec « la disparition » de la lutte contre les déserts médicaux, des actions de testing « et bien d’autres mesures en faveur de l’égalité d’accès de tous à des soins de qualité ». « Les médecins puissamment représentés dans les deux chambres ont pesé de tout leur poids pour que la majorité parlementaire décide de ne rien changer », accuse le CISS.
Roselyne Bachelot a-t-elle voulu donner quelques gages à ses soutiens en matière d’accès aux soins ? Dans son discours au Sénat, elle a en tout cas marqué sa volonté de définir un schéma d’aménagement de l’offre de soins de premiers recours sur tout le territoire, de régionaliser le numerus clausus et la répartition des internes, de renforcer les coopérations locales entre professionnels, de soutenir les maisons de santé et pôles de santé et elle a soutenu l’initiative d’instituer un devis obligatoire pour les prothèses dentaires.
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