LE QUOTIDIEN : Quels sont les traits communs marquants des expérimentations « article 51 » sur l'innovation ?
DR AYDEN TAJAHMADY : Nous sommes d'abord très heureux que les dispositifs aient rencontré une appétence assez forte des acteurs de terrain, notamment de ville qui ont montré leurs capacités à générer et à mener à bien des projets. Les expérimentations sont au rendez-vous, le dispositif répond donc bien à un besoin. On remarque – et ce n'est pas étonnant – qu'une grande partie des projets visent les pathologies chroniques et les personnes âgées. Il est également à noter que les trois quarts des projets concernent la ville et sont très souvent d'ordre pluriprofessionnel y compris quand ils embarquent également l'hôpital. C'est très intéressant car le dispositif est aussi un formidable observatoire de ce que nous avons à mener, en tant que régulateur du système de santé, pour accompagner les organisations de demain.
On voit cependant que les trois quarts des projets proposés sont retoqués ou abandonnés. Ne faudrait-il pas simplifier le cadre ou revoir la méthodologie ?
Je rappelle que le dispositif de l'article 51 a vocation à permettre d'expérimenter des projets qui sont dérogatoires au droit commun, pour pouvoir ensuite les évaluer et éventuellement les généraliser en faisant évoluer le cadre. Quand ce n'est pas le cas, ce qui est relativement fréquent, nous nous efforçons de réorienter les porteurs de projets vers d'autres dispositifs. Il est vrai que souvent, dans le passé, on lançait des expérimentations sans bien réfléchir à leur déploiement car la question de l'efficience, de l'impact budgétaire ou du modèle de financement n'avait pas été correctement posée. C'est pourquoi, nous assumons aussi d'avoir un certain niveau d'exigence pour que ce qui sorte des expérimentations puisse, si l'évaluation est positive, être déployé.
Mais par rapport au début, nous avons essayé de réduire les délais de réponse aux porteurs de projets afin de répondre plus rapidement sur l'opportunité d'une idée avant de rentrer dans l'instruction méthodologique. En outre, une fois que le projet est autorisé, la mise en œuvre peut désormais intervenir très rapidement.
Les premières expérimentations arrivent à terme. Comment se passe le passage à la généralisation ?
La généralisation est un processus complexe car il y a des enjeux juridiques, des questions de rémunérations et des sujets de système d'information. La première expérimentation qui a été généralisée dans la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2022 est « Mission retrouve ton cap » sur la prévention de l'obésité chez les enfants. Les textes d'application viennent tout juste de paraître, cela va pouvoir commencer. L'année prochaine, une trentaine d'expérimentations arriveront à échéance. Cela ne veut pas dire qu'elles seront toutes généralisées mais un certain nombre d'entre elles ont probablement vocation à trouver une place dans le droit commun.
Certaines expérimentations seront-elles intégrées dans la prochaine convention médicale ?
Non, aucune ne sera terminée et évaluée dans le temps du calendrier de la négociation conventionnelle. En revanche, rien n'empêche que les idées testées actuellement dans le cadre du dispositif de l'article 51 soient mises à profit dans les discussions en cours. Les syndicats peuvent tout à fait s'en emparer.
Parmi tous les projets en cours d'expérimentation, lesquels vous semble les plus disruptifs ?
C'est important de rappeler qu'on peut avoir de très bonnes idées sans être le plus disruptif possible ! Mais pour répondre à votre question, nous constatons que les marches les plus hautes à monter, c'est dès qu'il s'agit de proposer des modèles qui se substituent aux modèles de rémunération existants. On le voit avec le projet « Équilibres » qui expérimente une rémunération horaire des infirmières libérales. C'est également le cas avec les projets qui testent des modes de rémunération populationnelle en médecine générale en substitution du paiement à l'acte ou encore les projets sur des forfaits partagés entre la ville et l'hôpital pour rémunérer des parcours des soins. Il est important de rappeler que ce sont toujours les pratiques médicales et organisationnelles qui doivent guider la recherche de nouveaux modes de tarification et non l'inverse.
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