Les médecins sont-ils bien représentés chez les francs-maçons ?
Dr Guy Arcizet. Je ne peux pas vous donner des chiffres et pour cause. La plupart des professions ne sont pas répertoriées dans nos registres de manière volontaire. Nous ne voulons pas risquer d’être manipulés... Ceci dit, le corps médical est très bien représenté au sein de la franc-maçonnerie comme, du reste, dans beaucoup d’institutions y compris à l’Assemblée nationale et au Sénat. Au Grand Orient, les médecins, en particulier les généralistes, sont nombreux.
Pour quelle raison ?
Dr G. A. Ce n’est pas un hasard. La franc-maçonnerie a des buts qui touchent à la dignité de la personne humaine et les médecins, dans leur exercice, sont confrontés à la maladie mais aussi à l’exclusion. Le généraliste, d’ailleurs, est un observateur privilégié de la société parce qu’il rentre dans l’intimité de ses patients. Pour ma part, j’ai parfois été un médecin exécrable mais souvent un très bon avocat de mes patients !
Y a-t-il une vision du monde de la santé qui est propre aux francs-maçons ?
Dr G. A. La franc-maçonnerie est à l’image de la société. On y retrouve donc les différences qui existent dans le monde médical avec certains médecins qui sont plutôt pour une évolution du système de santé, avec une attitude plus volontariste de la part de l’Etat, et d’autres plus libéraux. Ce dernier courant est prédominant. En règle générale, les médecins sont assez jaloux de leur indépendance.
Est-il plus facile ou plus difficile d’être médecin quand on est franc-maçon ?
Dr G. A. Je dirais ni l’un ni l’autre. Même si la franc-maçonnerie amène à la réflexion, à sortir d’un certain isolement pour se confronter aux autres, ce qui, sans doute, influence la pratique médicale de tous les jours. Cela ne peut qu’avoir un effet bénéfique en améliorant l’approche et la compréhension du patient. D’autant plus que la plupart des sujets qu’on évoque lors des ateliers et des « tenues » sont en rapport avec la vie quotidienne des gens.
Quel est votre point de vue sur les débats de société, notamment sur l’euthanasie ?
Dr G. A. Je ne vous donnerai pas ma position personnelle mais celle de mon obédience. Sur la fin de vie, la plupart des frères du Grand Orient sont pour une évolution de la loi Leonetti. Certains plaident pour une légalisation de l’euthanasie, d’autres pour une dépénalisation de certains actes dans des situations encadrées. En tout cas, on est pour une fin de vie beaucoup plus apaisée que ce qui se passe actuellement.
Et sur l’IVG, la PMA et les mères porteuses ?
Dr G. A. Dans les années 1960, j’ai été l’un des premiers défenseurs de la liberté des femmes. Avant que nos propositions soient reprises par les politiques, la loi Veil et la loi Neuwirth ont été travaillées dans les loges maçonniques. Lucien Neuwirth lui-même était franc-maçon. En ce qui concerne l’IVG, j’approuve la récente suppression de la notion de détresse : l’interruption de grossesse n’est pas une thérapeutique. Elle est liée à la liberté de la femme de choisir son destin. Par ailleurs, le mariage pour tous a été une évolution considérable dans la reconnaissance de l’identité des individus. Que les hommes élèvent des enfants ne me gêne pas du tout. Ceci dit, il faut éviter à tout prix la marchandisation du corps de la femme et celle des enfants.
De quelle façon les francs-maçons influencent-ils la politique ?
Dr G. A. Ils l’influencent à la fois de l’intérieur – il y a beaucoup de francs-maçons parmi les politiques – et en faisant un travail relationnel au niveau des élites. Dans ce travail de pression, on est souvent moins efficaces que les religions ! On voit bien qu’en Espagne, la liberté des femmes est en train de reculer à cause de l’influence des lobbies religieux. Quant à notre mouvement, qui est laïque, je ne suis pas sûr que le pouvoir qu’on nous prête soit aussi grand...
L’idée que l’on se fait de la franc-maçonnerie correspond-elle à la réalité ?
Dr G. A. La franc-maçonnerie a un parfum sulfureux. Elle génère beaucoup de fantasmes. Selon certains, on représenterait le diable ! Il y a autour d’elle un imaginaire assez glauque qui n’est pas justifié. Je l’affirme : je n’ai pas de pouvoir magique et je le regrette. La franc-maçonnerie est avant tout une école de réflexion pour adultes. Son secret est un secret de polichinelle qui ne réside ni dans les rites, ni dans ce qui est dit lors des « tenues », qui est d’ailleurs souvent publié, mais dans le vécu de chacun. Il s’agit d’une espèce de catharsis, de psychodrame, que seuls les initiés peuvent comprendre.
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