Un mouvement de grève massif comme en 2002 ? Spécialiste des relations entre médecins et pouvoirs publics, le Pr Patrick Hassenteufel (lire l'interview) pointe au moins une différence de taille : à la différence d'il y a douze, on n'est pas en période préélectorale... Le mot d’ordre a, en tout cas, été lancé par la quasi-totalité des syndicats de médecins libéraux et le consensus vite trouvé entre syndicats. « 2015 sera l’année de la lutte contre les discriminations faites aux médecins généralistes », prévenait Claude Leicher, président de MG France, deux jours après la mobilisation du 30 septembre. Dans la foulée, son syndicat appelait à une nouvelle grève le 6 janvier. Un mot d’ordre qu’a dépassé l’Unof en mobilisant à son tour sur la fermeture des cabinets… mais du 24 au 31 décembre. Le mouvement est lancé et la contestation s’étend..
Très vite les « médecins pigeons » de l’UFML répercutent la consigne. La FMF puis MG France s’associent au mouvement, presque (ils commencent le 23) aux mêmes dates. « Puisque la ministre n’entend rien sur les vaccinations et les infirmières cliniciennes et que son projet de loi est truffé de mesures antilibérales, on va lui montrer ce que c’est qu’une France sans médecins libéraux », martèle Jean-Paul Hamon. C’est un dîner, il y a dix jours entre les présidents de la FMF et de MG France, Jean-Paul Hamon et Claude Leicher, qui a permis de mettre tout le monde d’accord. Au total, ce sont au moins trois syndicats représentatifs de médecins libéraux qui appellent ensemble à la grève ! Une première depuis bien longtemps.
Les spés s’y mettent à leur tour
Initié chez les généralistes, le mouvement essaime désormais chez les spécialistes qui ne devraient pas être en reste. Jean-Paul Hamon a sonné le rappel de ce côté-là aussi. Et, côté CSMF, l’UMESPE a appelé la semaine dernière « l’ensemble des médecins spécialistes (...) à s’engager aux côtés des médecins généralistes dans le mouvement de grève de fin décembre ». Et va organiser par ailleurs des « États généraux de la médecine spécialisée » début décembre.
Au SML, on n’envisage pas une seconde un mouvement sans spécialistes. Mais le syndicat de Roger Rua doit décider demain samedi en assemblée générale de sa participation. Pour l’heure, son président, Roger Rua, un peu agacé de n’être « pas encore consulté » par les autres syndicats a lancé jeudi une pétition nationale pour défendre une liberté d’installation qu’il juge menacée par la future loi santé. Pour Roger Rua, le choix de ces dates n’est « peut-être pas visible » et il y a un risque à ce qu’elles soient « contestées par nos concitoyens ». Même s’il n’exclut pas une grande manifestation, « il ne faudrait pas agir en ordre dispersé comme cela y ressemble aujourd’hui. Il y a un vrai danger avec cette loi. Il faut qu’on se réunisse autour des mêmes revendications et que nous puissions former un mouvement unitaire ».
Quelles revendications mettre en avant ?
La question des motifs de la grève pourrait, en effet, parasiter cette belle unité. L’UNOF comme le SML font du tiers payant généralisé leur motif numéro un de fureur. Un chantier sur lequel MG France se montre critique et inquiet, mais pas hostile sur le principe. La grève devrait aussi avoir pour fondement les craintes générées par le futur « service territorial de santé au public » et, bien sûr, l’impatience tarifaire.
Mais, là encore, si tout le monde réclame une hausse du C, tous ne le demandent pas de la même manière. MG et la FMF entendent en effet revenir sur l’avenant n° 19 de la Convention de 2005 qui privait les généralistes de MPC. Une vieille revendication qui, en réalité, vise plus la CSMF que le gouvernement… et à laquelle l’UNOF ne peut évidemment pas adhérer. Autre exigence sur laquelle MG France et FMF font front commun : le passage immédiat à 56 euros de la visite du médecin traitant à ses patients à domicile. Le président de l’Unof « ne veut pas se limiter » à la visite à domicile, plaidant plutôt pour une revalorisation « de toutes les consultations complexes », visites à domicile comprises.
Reste que la base semble de plus en plus remontée. Sur le terrain, deux semaines après l’annonce de la grève, les généralistes s’organisent. Il y a des « rencontres » entre les médecins pour savoir comment mettre en place la permanence des soins, « vu que tout le monde prévoit de fermer son cabinet », explique le Dr Leicher. « La grève sera massive », prévient également de son côté Luc Duquesnel. Et comme si cela ne suffisait pas, la CSMF a engagé cette semaine une vaste opération de communication à destination des professionnels de santé et du public. Des affiches seront distribuées et une pétition également lancée.
Une chose est sûre pour les deux chefs de file des généralistes : ce n’est que le début ! Les deux syndicats pensent d’ores et déjà « à l’après » et assurent que d’autres actions seront menées jusqu’à l’obtention de leurs revendications. Marisol Touraine cédera-t-elle à la pression de la rue ? C’est une autre affaire. Fin octobre, la ministre de la Santé a en tout cas signifié que la revalorisation de la consultation n’était pas sa priorité, évoquant une augmentation de la « rémunération qui est liée à tous ces actes de dépistage, de santé publique que mettent en place les médecins dans leur cabinet ». Le bras de fer ne fait que commencer…
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