Pour la quatrième année consécutive, le nombre d’agressions – verbales et physiques – déclarées par les praticiens auprès de l'Ordre des médecins a progressé l’an dernier. L’Observatoire de la sécurité des médecins du Cnom a recensé 1 126 déclarations en 2018, soit une hausse de 8,8 % par rapport à 2017. En décembre dernier, après une série d’agressions physiques violentes de confrères, le coordonnateur de l’Observatoire, le Dr Hervé Boissin, estimait que « ces agressions [étaient] le reflet d’une société de plus en plus violente ». « Les chiffres de 2018 me confortent dans ce ressenti », réagit le conseiller ordinal contacté par Le Généraliste.
Un généraliste visé dans 7 cas sur 10
Depuis la création de l’Observatoire au début des années 2000, les généralistes sont traditionnellement les praticiens les plus ciblés par les agressions. 2018 n’a pas fait exception à la règle. Cette tendance s’est même encore accentuée. Alors qu’ils ne représentent que 44 % de la population totale de médecins, les médecins de famille ont été à l’origine de 70 % des déclarations d’agressions auprès de l’Ordre cette année contre 61 % l’an passé.
« Les généralistes sont en première ligne. Ce sont eux qui rédigent les arrêts de travail et font les ordonnances. Et comme les patients veulent tout et tout de suite… », analyse le Dr Boissin. Les refus de prescription (16 %) et les falsifications de documents (11 %) figurent ainsi parmi les motifs d’incidents les plus cités par les médecins. Derrière les reproches relatifs à une prise en charge (premier motif avec 31 %), mais devant un temps d’attente jugé excessif (11 %).
L’Observatoire révèle également que 79 % des victimes exercent en ambulatoire, contre 11 % en établissement de soins. Aussi, 54 % des agressions ont lieu en milieu urbain.
Nombre d’agressions physiques stable
Un confrère marseillais agressé, séquestré et menacé avec des armes de guerre par des patients toxicomanes pour du Subutex, un autre passé à tabac après avoir refusé de prendre un patient en consultation à Romainville (Seine-Saint-Denis) ou encore un interne frappé au visage le soir de Noël à Gonesse (Val d’Oise)… Plusieurs incidents médiatisés ont marqué l'année 2018. Néanmoins, la part des agressions physiques dans le total des évènements signalés est restée la même qu’en 2017. On observe même un léger recul des agressions ayant entraîné une interruption de travail (5 % contre 7 % en 2017).
Une fois de plus, ces chiffres sont à nuancer. « Seuls 30 % des cas sont déclarés à l’Ordre, estime le Dr Boissin. Les médecins connaissent mal la procédure de signalement, alors que ça ne prend qu’une minute en ligne. Les hospitaliers ne déclarent pas beaucoup à l’Ordre. Ils ont tendance à ne prévenir que leur administration, laquelle essaie souvent de calmer le jeu pour préserver la réputation de l’hôpital », ajoute le Dr Boissin.
Réunions reportées avec le ministère de l'Intérieur
Les agressions sont également rarement suivies de plaintes. Seules 34 % des victimes ayant signalé un incident au Cnom ont déposé plainte en 2018, contre 38 % un an plus tôt. « Beaucoup de plaintes sont classées sans suite », regrette le Dr Boissin. De quoi décourager les médecins.
Les réunions prévues avec le ministère de l’Intérieur concernant la mise en place de systèmes permettant aux médecins d’alerter directement la police ont été reportées en raison du contexte social actuel. « Il est temps que les pouvoirs publics se saisissent de cet enjeu majeur », estime le Dr Boissin.
Pour le coordonnateur de l’Observatoire, l'Ordre doit faire plus. Il souhaite que son institution s’engage davantage dans la lutte contre les agressions « en étant plus proactif, plus près des médecins ». Le Cnom prévoit ainsi que son numéro gratuit d’écoute et d’assistance pour les médecins – devenu le 0800 288 038 – soit aussi dédié aux victimes d’agression.
Pour l’heure, l’Ordre encourage les praticiens agressés à contacter le référent sécurité de leur conseil départemental et propose de se constituer systématiquement partie civile.
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