Le Dr Dominique Dupagne aurait-il obtenu gain de cause ? L’Obs assure ce mardi qu’« enfin, le code de déontologie médicale interdit explicitement tout rapport intime entre praticiens et patients ». En mars 2018, le généraliste parisien avait lancé une pétition visant à interdire tout rapport sexuel entre un médecin et un(e) patient(e). Une démarche motivée par les nombreux témoignages de patientes victimes de professionnels de santé ayant profité de leur vulnérabilité pour les séduire postés sur son forum dédié aux relations médecins/patients www.atoute.org.
Un commentaire pour être « plus explicite »
En décembre, deux modifications ont effectivement été apportées au code de déontologie médicale par l’Ordre. Mais, renseignement pris auprès du Cnom, l’affirmation de l'hebdomadaire est à nuancer. L'Ordre a bien modifié le commentaire de l’article 2* relatif au respect de la vie et de la dignité de la personne. Il est désormais indiqué que « le médecin ne doit pas abuser de sa position notamment du fait du caractère asymétrique de la relation médicale, de la vulnérabilité potentielle du patient, et doit s’abstenir de tout comportement ambigu en particulier à connotation sexuelle (relation intime, parole, geste, attitude, familiarité inadaptée…) ».
Un paragraphe supplémentaire a également été ajouté reprenant une jurisprudence de janvier 2016. Laquelle précise « qu'un médecin (...) doit, par principe, dans le cadre de l’exercice de son activité, s’interdire à l’égard de ses patients toutes relations intimes de nature à être regardées comme méconnaissant le respect de la personne, de sa dignité ou les principes de moralité et de probité ou à déconsidérer la profession ; qu’il en va ainsi tout particulièrement s’agissant de patients en état de fragilité psychologique, les relations intimes s’apparentant alors à un abus de faiblesse ».
Pas juridiquement opposable aux médecins
« Il est évident qu’il ne doit pas y avoir de relations particulières entre un médecin et son ou sa patiente, que c’est contraire à la déontologie. Ça l’a toujours été, depuis Hippocrate », souligne le Dr Jean-Marie Faroudja, président de la section éthique et déontologie de l’Ordre, joint par Le Généraliste. « Nous n’avons pas attendu 2019 pour dire qu’il ne fallait pas que le médecin profite de sa situation pour obtenir des faveurs auxquelles il ne doit prétendre », ajoute-t-il.
Selon lui, la modification du commentaire de l’article 2 du code de déontologie a donc permis de rendre cette règle « encore beaucoup plus explicite, pour faire de la prévention et rappeler au médecin qu’il a un rôle particulier : celui de soigner les gens et qu’il doit éviter tout comportement risquant d’être délicat ».
« On ne change pas l’article car il est suffisant, précise toutefois le Dr Faroudja. Mais les commentaires seront plus explicites pour ceux qui veulent les lire, les interpréter. En particulier les avocats, qui pourront toujours s’en servir, même si ceux-ci ne sont pas opposables (juridiquement, ndlr). » En effet, le commentaire d’article « n’est ni une loi, ni un décret », rappelle-t-il.
Pas de relation sexuelle au cabinet
Alors : peut-on avoir une relation sexuelle consentie dans son cabinet ? « Une relation consentie ne doit pas intervenir pendant qu’il y a une relation médicale établie, pour qu’il n’y ait pas ce problème de différence entre celui qui demande des soins, et celui qui les distribue », tranche le président de la section éthique et déontologie.
Pour autant, le Dr Faroudja explique que cette modification ne répond pas tout à fait à la proposition du Dr Dupagne qui « aurait fini par conclure qu’un médecin ne peut plus soigner son épouse ou une médecin son mari ». « Cela aurait été quelque peu aberrant », observe-t-il.
Un médecin peut donc avoir des rapports en dehors du cabinet avec un patient. « Mais nous le mettons quand même en garde, prévient le Dr Faroudja. Il doit y avoir un mur entre l’acte médical et une éventuelle relation qui doit être évidemment consentie. »
Interrogé par l'Obs, le Dr Dupagne estime de son côté que « cet ajout dans le code de déontologie médicale change tout ! ». « Le message est extrêmement ferme, on n'est plus dans l'arbitraire. Le Conseil de l'Ordre a fini par entendre nos arguments, après une première réaction épidermique », se réjouit-il.
* « Le médecin, au service de l'individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité. Le respect dû à la personne ne cesse pas de s'imposer après la mort. »
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