"Globalement, de manière concrète, il ne s’est encore rien passé". Mélanie Marquet est la première à le reconnaitre que, sur le terrain, la mise en place du décret qui instaure des semaines à 48 heures de travail pour les internes n’est pas si simple à mettre en œuvre. Ce décret, qui fait passer à 48 heures soit 10 demi journées au lieu de 11, dont deux seront dédiés à la formation hors stage, le temps de travail des internes est pourtant entré en application le 1er Mai dernier. La réforme, qui a fait beaucoup de bruit, contient encore beaucoup d’imprécisions notamment au niveau de son interprétation, comme le rappelle la chef de file des internes de l’ISNI : «par exemple dans un hopital on va dire que le Samedi ne compte pas pour une demie journée mais qu’on doit faire des gardes, et dans un autre on va dire que le Samedi, il ne doit pas y avoir de garde du tout. Ces différences d’interprétation sont le reflet parfait que ce décret n’est pas adapté, et qu’il reste des choses à voir», explique-t-elle
Même si les organisations d’internes ont eu gain de cause, et même si les demandes de délais supplémentaires des hôpitaux n’ont pas été entendues par le ministère de la Santé, les horaires sont bien entendu la principale source de conflit. Car, si tout le monde est d’accord pour dire que les hôpitaux tournent grâce aux internes, et que les internes doivent faire moins d’heures, personne n’oublie que cela engendre de grandes réorganisations pour les structures hospitalières, notamment au niveau de grilles horaires qu’il faudra inévitablement modifier. Sans oublier que comme le rappelle la présidente de de l’ISNI, «c’est la sécurité des patients qui est en jeu derrière».
Deux catégories de services
Selon elle, si pas grand chose n’a bougé depuis la mise en application du décret avec «les internes qui ont les mêmes horaires qu’au précédent semestre», c’est en fait une question de volonté. En effet, l’application et les efforts entrepris sont très hétérogènes au sein du territoire. Et de souligner que cela n’est pas une question de régions mais dépend des hôpitaux, avec même des situations différentes services par services.
Pour elle «il y a deux sortes de catégories». A commencer par ceux qui appliquent le décret à la lettre, en supprimant les lignes de gardes ou en réduisant ces dernières.
Chez les jeunes généralistes de l’ISNAR, on n’est pas loin de développer la même analyse. Comme le rappelle Pierre de Brémond d’Ars, alors que «les services sont dépendants des internes», les discussions sont encore vives dans les hôpitaux et les situations disparates : "moi je suis dans un service de pédiatrie qui fait tout son possible pour appliquer ce décret. Des plannings sont mis en place afin que les internes récupèrent leurs heures, par exemple", explique ce porte-parole de l’ISNAR, confirmant donc que cette application dépend du bon vouloir de chaque hôpitaux.
Car à côté des chanceux, il y a ceux qui travaillent dans une deuxième catégorie de services, qui «représente la grande majorité», selon la présidente de l’ISNI : ceux qui ne font pas bouger les choses, qui n’amorcent aucun changement, qui ne se sentent pas concernés par ce décret. De fait, le président de la Fédération Hospitalière de France (FHF) ne disait pas le contraire la semaine dernière sur RTL: «Faire croire que du jour au lendemain, les hôpitaux se sont tous réorganisés pour prendre en compte la diminution du temps de travail des internes serait un leurre,»expliquait Frédéric Valletoux. Le gros regret et l’objet des plus grosses contestations soulevées par l’ISNI et par l’ISNAR-IMG, est «le comportement hypocrite» de certaines structures hospitalières, faisant référence au manque de temps pour mettre en place ces mesures, et qui justifiait une demande de report au trimestre suivant. «Argument pas recevable»pour ces deux syndicats car, «cela fait deux ans, que l’on parle de modifier les horaires, et que le décret est prêt depuis Février, il y avait donc le temps de voir venir et d’anticiper». A preuve, selon eux : certaines structures ont d’ailleurs pris de l’avance en préparant des tableaux de services et des plannings voire même en recrutant du personnel.
Autant dire que, dix jours après l’entrée en vigueur du décret, les discussions entre les représentants des internes et les directoires seront encore longues et que la mise en application prendra du temps avant de s’appliquer partout. Face à ce challenge, l’ISNAR se montre de bonne volonté. Mais, si le syndicat «se tient à disposition des structures hospitalières et services pour les assister dans la mise en application» des 48 heures, dans son dernier communiqué du 4 mai, elle «appelle tous les internes à nous avertir des situations où la réglementation en serait pas appliquée.» Même détermination du côté des jeunes généralistes du SNJMG qui dénoncent «un texte bancal» et appelle les internes à «lui signaler chaque situation de manquement à la législation censée protéger les internes».
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