Le cancer du col est une maladie évitable

Les promesses de la vaccination anti-HPV 9 valences

Publié le 26/09/2019
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Malgré le dépistage, plus de 1 000 femmes décèdent encore chaque année d’un cancer du col de l’utérus HPV associé. Les perspectives de protection contre les lésions précancéreuses et cancéreuses du col sont prometteuses puisqu’estimées à 90 % avec le vaccin anti-HPV 9 valences.

Une protection 90 % si la couverture vaccinale s'élève à plus de 80 %

Une protection 90 % si la couverture vaccinale s'élève à plus de 80 %
Crédit photo : Phanie

Le tropisme génital des papillomavirus n'est plus à démontrer. Six ou sept virus intéressent particulièrement la communauté scientifique car ils sont responsables de plus de 90 % de lésions précancéreuses du col qui, non traitées, ont un risque élevé d'évoluer vers un cancer. En France, malgré le dépistage proposé aux femmes, 3 000 à 3 200 cancers du col sont toujours recensés chaque année. Et ce chiffre s'élève à 6000-6500 si l'on considère tous les cancers HPV associés (col, anus, oropharynx, pénis) chez la femme et chez l'homme.

Le dépistage individuel opportuniste par frottis est toujours en vigueur en France pour prévenir le cancer du col. Mais le paradigme du dépistage est en mouvement. Des changements radicaux devraient intervenir prochainement avec l'introduction du test HPV comme outil de dépistage primaire organisé. Il se rapprochera de ceux mis en œuvre dans le cadre du dépistage des cancers du sein et du colon et qui concernera les femmes âgées de plus de 30 ans. « Ce programme a pour objectif, lorsque le test est positif, de détecter plus souvent (+33 %) et plus tôt les lésions précancéreuses (CIN HG) par rapport au frottis et lorsqu'il est négatif de rassurer sur le long cours (+5 ans) de l'absence de lésions de CINHG, ce que le seul frottis ne peut pas toujours garantir », précise le Pr Joseph Monsonego, (gynécologue, Paris).

« Il y a un rationnel à la vaccination et à la développer »

Autre stratégie pour prévenir le cancer du col, la vaccination anti-HPV, disponible en France depuis 11 ans. Le Pr Joseph Monsonego en rappelle sa pertinence. « Le dépistage permet de repérer les précancers qui doivent ensuite être traités pour éviter toute évolution vers le cancer et ses complications parfois délétères. Or, la vaccination évite l'apparition des précancers en neutralisant les virus concernés. De plus, elle règle toute la problématique de la transmission de l'agent infectieux sexuellement transmissible ». À cela s'ajoute le fait que « le frottis est un outil qui est loin d'être parfait puisque d'une sensibilité non optimale et exigeant une rythmicité régulière durant toute la vie, ce qui n'est pas le cas de la vaccination dont le schéma à 2 ou 3 doses selon l'âge est censé protéger sur le très long cours compte tenu de sa propriété de mémoire immunitaire ».

Les études cliniques randomisées menées sur de très larges cohortes de population ont montré que la vaccination anti-HPV était particulièrement efficace puisqu'elle protégeait non seulement contre les lésions précancéreuses et cancéreuses du col mais aussi contre celles du vagin et de l'anus avec des taux de protection variables selon les valences présentes (VLP) dans les vaccins. Le profil de sécurité des vaccins, sujet toujours très sensible, a été largement étudié notamment dans le cadre d'une étude française qui a porté sur près de 2,4 millions de jeunes filles dont plus de 800 000 ont reçu un vaccin HPV 4 ou 2 valences. Aucun surrisque sur les 10 maladies auto-immunes examinées n'a été observé dans les groupes vaccinés (Miranda Vaccine 2017, Andrews Vaccine 2017). Un bénéfice/risque en faveur de la vaccination qui se confirme aussi en vie réelle après 14 ans de pénétration de la vaccination dans le monde incluant plus de 350 millions de doses distribuées.

Depuis près d'un an, le vaccin 4 valences a été remplacé par le vaccin 9 valences. L'enjeu est important. Comme l'explique le Pr Monsonego, « il permet de couvrir en plus des 4 valences (16 et 18 pour 60 % des précancers du col - 6 et 11 pour 90 % des condylomes acuminés) contenues dans le 1er vaccin, 5 autres virus à risque (31, 33, 45, 52 et 58) impliqués dans 30 % des précancers et 25 % des cancers du col utérin ». « On s'attend, précise-t-il, à une protection non plus de 55-60 % mais de 85-88 % contre les précancers du col et de 90 % contre les cancers à condition que la couverture vaccinale s'élève à plus de 80 % dans la population cible ».

La vaccination anti-HPV du garçon, envisagé dans certains pays, fait actuellement l'objet d'un « Appel » de la part d'un collectif de 50 Sociétés savantes. Pour le Pr Monsonego, élargir la vaccination aux garçons se justifie car ils sont « transmetteurs » et présentent des pathologies HPV spécifiques (condylomes acuminés génitaux et anaux, lésions précancéreuses et cancéreuses anales surtout chez l'homosexuel, précancers et cancer de la verge, cancer de l'oropharynx) dont le nombre est presque aussi élevé que celui des pathologies HPV du col chez la femme. À cela s'ajoute le bénéfice collectif de cette vaccination qui permettrait de réduire la propagation du virus en cas de faible couverture vaccinale chez les jeunes filles, la population cible. La Haute Autorité de santé (HAS) devrait faire connaître ses recommandations prochainement.

D'autres réflexions sont en cours les unes sur les bénéfices non plus collectifs mais individuels que certaines populations à risque adultes (immunodéprimés, adultes traités pour lésions précancéreuses, etc.) pourraient tirer de la vaccination anti-HPV et les autres sur la pertinence du dépistage HPV chez les jeunes femmes vaccinées pour rechercher les 10 % des lésions non couvertes par la vaccination. Reste aussi la défiance des Français vis-à-vis de la vaccination qui demeure un problème majeur en termes de santé publique.

Le Pr Monsonego a coordonné les essais cliniques français des vaccins anti-HPV

Dr Isabelle Stroebel

Source : Le Quotidien du médecin