Les alertes se multiplient sur les urgences. « La situation est plus grave que l'été dernier » en France, a estimé ce 15 août Marc Noizet, président de Samu-Urgences de France, soulignant que tous les départements sont touchés, y compris les zones touristiques en pleine saison.
« La situation est plus grave que l'été dernier parce qu'elle touche dorénavant tous les départements de France, des gros services et des petits services. L'été dernier, on avait des zones rouges », a déclaré sur Europe 1 celui qui est également chef du service d'urgence du groupe hospitalier de la région de Mulhouse et Sud-Alsace.
Des zones touristiques touchées, une nouveauté
« La nouveauté est que des zones extrêmement touristiques (...) sont aujourd'hui en très, très grande précarité », considère le Dr Noizet, citant Les Sables-d'Olonne (Vendée) ou Arcachon (Gironde) « où ils ont été obligés de mettre en place sur le parking devant l'hôpital une structure où les médecins font de la petite traumatologie pour alléger les urgences » (voir encadré) ou encore Saint-Tropez (Var) « qui a failli fermer son service d'urgences ».
« Plus pernicieux », selon lui, « on ferme des Smur, la partie de l'hôpital qui se déplace sur la voie publique ou à votre domicile quand il y a un incident grave, parfois pour une nuit ou un week-end ». Et de citer l'exemple d'Angers, où sept Smur étaient, selon lui, fermés le week-end du 15 août, alors que « ça touche l'urgence vitale ».
Des tensions en personnel soignant qui perdurent
De son côté, le chef du Smur des Hauts-de-Seine, Gilles Jourdain, a dénoncé dans « Le Parisien » les tensions en réanimation pédiatrique en Île-de-France, qui ont obligé son équipe à transférer un nourrisson de deux mois à Rouen, le 13 août. « Sa bronchiolite s'aggravait, le petit garçon avait besoin d'être admis en réanimation. Les équipes ont fait trois fois le tour des places disponibles dans les cinq services d'Île-de-France ayant les compétences nécessaires pour ce type de soins. Rien, zéro lit », rapporte-t-il.
Pour le Dr Jourdain, « les tensions en personnels soignants sont si fortes que la situation dégradée de l'hiver perdure et se refait sentir dès l'été. Les autorités semblent incapables d'apporter une solution ». « Nous craignons la rentrée et l'hiver qui arrive : aucune mesure structurante n'a été annoncée pour redonner de l'attractivité et revaloriser la pénibilité », enchérit le Dr Noizet sur « BFM TV », ce 16 août.
Pour la réouverture du dialogue avec le ministère
Le ministre de la Santé Aurélien Rousseau s'est rendu le 14 août au Samu de Toulouse. Il s'est notamment exprimé sur la grève des assistants de régulation médicale (ARM) qui court depuis le 3 juillet dans les trois quarts des départements. Ils demandent une reconnaissance de la pénibilité de leur travail via une prime mensuelle de 100 euros, des précisions sur les nouvelles grilles salariales, et des centaines d’embauches.
« Une partie de ces revendications sont légitimes et on va y travailler dans les toutes prochaines semaines », a commenté Aurélien Rousseau, sans plus de précisions, tout en reconnaissant que les « ARM sont le cœur, la rotule de notre système de régulation ».
À travers la voix du Dr Noizet, Samu-Urgences de France demande « dans les 15 jours qui viennent » la réouverture des négociations entre organisations syndicales et ministère en particulier sur la permanence des soins, alors qu'elles ont été stoppées en mai 2023 « faute d'arbitrage financier ». Tout en partageant ces revendications, le Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes-Réanimateurs Élargi aux autres spécialités (SNPHARE) et l’association des médecins urgentistes de France (AMUF) appellent à restaurer le maillage en équipes Smur sur l'ensemble du territoire, et réclament l'abandon d'un projet d'arrêté qui vise l'intégration des infirmiers au dispositif des correspondants du Samu.
À l'hôpital d'Arcachon, des généralistes sur le parking pour la traumatologie
Confronté à des pics de 200 patients par jour, dans un territoire qui voit sa population quadrupler chaque été, le centre hospitalier girondin d'Arcachon - unique service d'urgences du Bassin d'Arcachon et du littoral du nord des Landes - a décidé de faire appel aux médecins de ville pour désengorger les urgences.
Postés dans des préfabriqués sur un parking bondé, deux généralistes traitent chaque jour, de 12 heures à minuit, les patients évalués et orientés au préalable par une infirmière d'accueil à l'hôpital. La structure s'occupe principalement « de la traumatologie pure, beaucoup de plâtres, d'attelles, de sutures » et permet de renvoyer, dans l'heure, des patients pour des radios et scanners à l'intérieur de l'hôpital en cas de besoin, explique son coordinateur, le docteur Julien Patry. Les cas les plus graves sont confiés, eux, aux deux urgentistes de permanence.
Pour la cheffe urgentiste Sophie Tarride-Marchal, ce système représente « un peu l'avenir des urgences, en pénurie et confrontées à beaucoup de patients qui n'en relèvent pas ». Ce dispositif absorbe 40 % des patients et a permis d'éviter la fermeture des urgences, assure Julien Rossignol, directeur du CH d'Arcachon.
En Nouvelle-Aquitaine cet été, 29 établissements ont mis en place pour certains horaires une « régulation » des urgences, n'ouvrant la porte qu'aux patients orientés au téléphone par le 15, selon l'Agence régionale de santé (ARS).
Le dispositif devrait être maintenu au moins jusqu'à fin septembre, malgré certaines craintes face à « un risque d'appel d'air et de dévoiement du système ». Le directeur de l'hôpital défend une « vraie complémentarité entre médecine de ville et hôpital ».
Plafonnement de l’intérim médical : le gouvernement doit revoir sa copie, maigre victoire pour les remplaçants
Au CHU Healthtech Connexion Day, guichets innovation et tiers lieux à l’honneur
Zones de conflit : ces hôpitaux français qui s’engagent
À l’hôpital public, le casse-tête du recrutement des médecins spécialistes