Après les craintes initiales, le programme d'État SI-Samu trouve son rythme de croisière et marque des points chez les utilisateurs concernés.
Dans le cadre du Congrès Urgences 2023, l'Agence du numérique en santé (ANS) a en tout cas présenté un point d’étape encourageant du déploiement de cet outil structuré, censé améliorer la prise en charge des demandes de soins et faciliter le travail des professionnels – de la sécurisation des appels urgents à la production de données en passant par l'interopérabilité entre les Samu eux-mêmes et avec d'autres partenaires. Inscrit au cœur de la feuille de route du numérique en santé (2023/2027), ce programme doit offrir aux Samu/SAS (service d'accès aux soins) et aux hôpitaux « les moyens techniques et humains dont ils ne pourraient pas disposer de façon isolée », insiste l’ANS.
Mieux gérer les crises d'ampleur
Le principe est connu. Rompant avec le cloisonnement départemental historique des Samu, l'interface commune SI-Samu permet de collaborer « de façon sécurisée » entre les différents acteurs de l’urgence, au sein d’un Samu, mais aussi entre Samu et agences régionales de santé (ARS). Avec un maître mot : l'interopérabilité de cet écosystème pour garantir la continuité des soins d'urgence dans les territoires.
À ce stade, 90 Samu et 10 ARS en sont équipés. De surcroît, trois systèmes d’information sont interconnectés pour optimiser la gestion des crises d'ampleur : le portail SI-Samu, SI-vic (solution d’identification et de suivi des victimes d’attentats ou de situations sanitaires exceptionnelles) et Sinus (système d’information pour le dénombrement des victimes du ministère de l’Intérieur), en lien avec les autres acteurs opérationnels (hôpitaux, Samu, pompiers, ARS, ministère).
Bandeau de communication, hub santé
L’ANS met également à disposition des Samu une « solution de communication complète » nationale (dite bandeau de communication) afin de garantir le traitement efficient de millions d'appels (au 15, 112 ou 116-117), y compris les détresses vitales. Environ 1,5 million de recours sont déjà gérés par ce biais et une vingtaine de Samu sont engagés dans son implémentation. Mulhouse, Laval, Rodez, Beauvais ou Troyes en sont déjà équipés. Autre outil en développement : le service « opérateur de téléphonie nationale » (OTN) qui sécurise l'acheminement des appels destinés aux Samu/SAS – la moitié des Samu en seront dotés d’ici à fin 2023.
Enfin, la plateforme « hub santé » permet d’aiguiller les informations d'un Samu vers un autre ou d'un Samu vers ses autres partenaires (pompiers, ambulanciers, policiers, sociétés privées). L'objectif est toujours le même : gagner du temps et limiter la perte d'informations dans les échanges. Jusqu’à présent, lorsque le 18 prenait un appel, la plupart des Centres 15 étaient « obligés de le retranscrire par écrit, ce qui faisait perdre du temps », illustre le Dr Marc Noizet, président de Samu-Urgences de France (SuDF). Grâce au hub santé, il sera non seulement possible de « communiquer entre Centres 15 et entre le 15 et le 18, mais aussi entre deux départements », ajoute-t-il. En clair : quand un événement grave a lieu à la frontière de deux départements, « on ne le gère plus au sein du département comme jusqu’à présent mais sur une zone, de manière conjointe ».
Être prêts pour les JO
La sécurisation et la fluidité des appels entrants est devenue une nécessité, ajoute le chef du Samu 68 qui rappelle que les Centres 15 sont saturés. L’urgentiste sait de quoi il parle : son Samu a été victime d’une panne téléphonique l’année dernière. « En quelques dizaines de minutes, on a été capables d’orienter l’intégralité des appels sur un autre Centre 15, le temps de résoudre la crise », se félicite le président SUdF. De fait, le programme SI-Samu offre cette possibilité « de se "plugger" sur le Samu du voisin pour partager la charge et se délester ». À titre d’exemple, le Haut-Rhin, qui n’est pas confronté à un afflux estival, pourrait accueillir à terme 20 % d’activité supplémentaire. « Aujourd’hui, c’est compliqué sur le plan technique. Mais, demain, cela sera possible avec les outils proposés par SI Samu », projette le Dr Noizet.
Un bilan d'étape positif partagé aussi par le Pr Karim Tazarourte, à la tête de la Société française de médecine d'urgence (SFMU), qui joute que les assistants de régulation médicale (ARM) sont « en tension comme les médecins ». D’où l’importance de « sécuriser nos plateformes » et de « collaborer en intraservices et en intrapartenaires », plaide le chef de service du Samu 69-Urgences à l'hôpital Édouard-Herriot de Lyon. Cette interconnexion générale des SI serait d'autant plus nécessaire que le morcellement du temps de travail et la généralisation du temps partiel aux urgences complexifie l’appropriation des outils.
SI-Samu vise plus largement à mieux gérer toutes les situations exceptionnelles –cyberattaques, attentats ou risques inhérents aux rassemblements de foule. « Nous devons absolument être prêts d’ici aux JO de Paris pour pouvoir gérer les dispositifs de sécurité en cas de crise », alerte le Dr Marc Noizet qui souhaite le déploiement rapide du portail SI-Samu France entière.
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